Les traditionnelles journées d’été du SML qui marquent la rentrée du syndicat débutent ce vendredi au Pouliguen (44). Le thème retenu pour ces trois jours d’échanges et de débats entre les adhérents ? « Intelligence artificielle : alliée ou concurrente des médecins ? » Mais cette année, l’université du syndicat des médecins libéraux intervient au lendemain de l’arrivée d’un nouveau locataire à Matignon, en quête de son futur gouvernement. À cette occasion, la cheffe de file du SML, la Dr Sophie Bauer confie au Quotidien ses attentes et ses craintes face au profil du prochain ministre de la Santé. Elle en profite pour alerter sur le risque d’une « chasse aux sorcières », en réponse aux récentes déclarations du DG de la Cnam pointant la dérive des arrêts de travail et le contrôle de 7 000 généralistes forts prescripteurs.
LE QUOTIDIEN : Au sortir d’un été politique particulièrement agité, quelle a été votre réaction à la nomination de Michel Barnier à Matignon ?
DR SOPHIE BAUER : Un ouf de soulagement. Michel Barnier n’est pas un extrémiste et encore moins un extrémiste anti-libéral, ce qui aurait pu arriver si nous avions eu un représentant de La France insoumise comme Premier ministre. Monsieur Barnier présente clairement un profil institutionnel, c’est une personne qui a déjà servi la République de diverses manières. Dans la période troublée que nous connaissons, il est susceptible d’apporter un certain apaisement. Cela étant dit, le SML sera très vigilant sur le profil de la personne qui sera nommée au portefeuille de la Santé.
Qui pourrait avoir vos faveurs ? Qui serait un repoussoir pour le SML ? Faut-il nommer un médecin à Ségur ?
Le fait de nommer un médecin permettrait peut-être de fixer plus facilement les priorités qu’on souhaite donner au système de santé. Mais à condition que ce ne soit pas quelqu’un qui soit dans la mouvance de Madame Rist qui développe une utopie malsaine de médecine sans médecins ou un représentant au profil hospitalier exclusif. Pourquoi pas un économiste de la santé avec une vision libérale ? Si on veut vraiment le virage ambulatoire, il faut absolument financer la ville. On ne peut pas se passer de la médecine libérale. Au contraire, c’est une force énorme du système de santé français et nous sortons d’une période difficile dans laquelle les médecins libéraux ont été plutôt maltraités. Avec une agression permanente : nous ne ferions pas assez d’heures de travail, de soins non programmés, nous n’assurons pas nos gardes… On se fait attaquer sur la PDS alors que nous sommes plus que vertueux.
Sur le champ de la santé, le premier déplacement du Premier ministre s’est néanmoins porté vers l’hôpital public…
Il faut arrêter ces gages permanents d’amour envers l’hôpital public. On a besoin d’un hôpital public, nous y avons tous été formés. En revanche, on a besoin de la fluidité, de la flexibilité et de la réactivité de la ville. L’hôpital public est une très grosse machine quand la médecine de ville, elle, s’adapte très vite. On l’a vu pendant le Covid. Nous avons été capables de monter des centres de vaccination à toute vitesse et de nous organiser entre nous. La ville a beaucoup souffert d’un sous-investissement massif. Nous avons bien conscience de la conjoncture économique actuelle, mais ce que nous disons, c’est que si on sous-investit dans la santé, cela nous coûtera, d’ici trois à cinq ans, énormément plus cher. Et on ne peut pas avoir un pays qui soit performant sur le plan économique sans un système de santé qui le soit aussi. Et pour cela, il a besoin de la ville. Si tout l’investissement est porté sur l’hôpital public. On rate la cible.
Le DG de la Cnam, Thomas Fatôme, a indiqué que 7 000 généralistes forts prescripteurs seraient contactés par ses services dans le cadre de la lutte contre l’augmentation des arrêts de travail. Votre syndicat est signataire de la nouvelle convention, cette annonce vous choque-t-elle ?
On a quand même l’impression qu’on repart à la chasse aux sorcières. Nous nous sommes engagés au sein de la convention à faire de la formation complémentaire aux médecins sur les IJ. Ensuite, nous avons aujourd’hui des référentiels qui sont parfois anciens sur les arrêts maladie. Par exemple, 30 % des gens peuvent télétravailler. On pourrait diminuer un peu les arrêts maladie en mettant les gens en télétravail, à condition, bien sûr, que ce ne soit pas délétère pour les patients. C’est l’exemple d’une mutation faisable, pas encore faite et qui peut être discutée.
Vous avez fait part de votre opposition totale aux décrets en cours concernant la délégation de tâches et la possibilité de certaines prescriptions pour les IPA et les kinés. Est-ce toujours un casus belli ?
La sagesse populaire dit “qui peut le plus peut le moins”, pas l’inverse. Revenons à la raison. Si ces textes reviennent en l’état, on ira devant le Conseil d’État. Et si ça ne suffit pas, nous irons devant la Cour européenne des droits de l’homme. Plutôt que de créer des chapelles de professions de santé intermédiaires, nous sommes bien plus favorables au fait de proposer davantage de postes sur les passerelles qui permettent aux infirmiers ou aux sages-femmes de reprendre leurs études de médecine en deuxième année. On a besoin de médecins, réactivons ça.
La piste évoquée cet été d’un accès direct au spécialiste qui pourrait aussi devenir médecin traitant vous semble-t-elle une bonne idée ?
Dans le cas de certains patients qui souffrent d’une mono-pathologie chronique très pointue, il ne me semblerait pas aberrant de considérer que le spécialiste puisse être le médecin traitant et que quand c’est autre chose qui se manifeste, à ce moment, le médecin généraliste devienne le médecin consultant et facture l’APC (avis ponctuel de consultant).
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