Alors que le code de la santé publique leur interdit depuis 1947 toute forme de publicité, les médecins pourraient bientôt faire de la "réclame". Pourquoi ? Car cette interdiction « de manière générale et absolue » de toute publicité n’est pas conforme au droit européen, comme l’a affirmé le Conseil d’État dans une décision rendue le 6 novembre.
Cette information n’a pas échappé à certains médecins condamnés à plusieurs mois d'interdiction d'exercice pour avoir enfreint cette réglementation. Ainsi, six médecins réclament plus de 2,5 millions d’euros d’indemnités à l’État, a-t-on appris ce mardi. Parmi ces praticiens figure un généraliste. Exerçant à la montagne, cet omnipraticien avait, il y a quelques années, écopé d’une interdiction d’exercer de trois mois après la plainte d’un confrère installé dans la même station de ski. Son tort ? Avoir installé un panneau jugé trop grand pour indiquer l’emplacement de sa clinique. « C’était un panneau d’environ 2 mètres 50 sur 1 mètre 50 », décrit-il au Généraliste. « Cela faisait trente ans que nous étions tous les deux installés dans cette station, ce panneau n'affectait donc pas la fréquentation de son cabinet », assure-t-il.
Une somme « précise et argumentée »
Ce généraliste et ses cinq confrères ayant subi un préjudice financier important en raison de leur sanction, leur avocat parisien, Maître Fabrice Di Vizio, a annoncé qu’il avait adressé au Premier ministre une requête préalable pour lui réclamer 2,5 millions d'euros. Une somme « précise et argumentée, correspondant au manque à gagner durant les périodes d’interdiction d’exercice de la médecine », explique ce spécialiste des questions de santé. Joint par Le Généraliste, celui-ci indique même que cette demande sera « revue à la hausse » en raison d’un ajustement pour le calcul du préjudice d’un des praticiens. Si Matignon ne répond pas (ou défavorablement) d'ici deux mois, Maître Di Vizio saisira le tribunal administratif, prévient-il.
Une actualisation de la réglementation nécessaire
L'article interdisant toute publicité aux professionnels de santé étant caduc, l'avocat plaide en faveur de l'élaboration d'un texte « plus actuel et plus juste ».
« Les praticiens veulent pouvoir communiquer librement, de façon loyale et honnête sur Internet. Sur leurs diplômes, leurs titres, leur expérience, leur parcours, observe-t-il. Il faut arrêter de faire la chasse à la publicité ! Sanctionner des comportements excessifs, pourquoi pas, très bien. Mais il faut d’abord s’entendre sur ce qu’est la publicité ! Ce généraliste avait juste mis un panneau. » Et l'avocat d'insister : « Un panneau ! »
Pour rappel, à l’été 2018, le Conseil d'État avait prévenu dans un rapport que « la réglementation interdisant la publicité directe ou indirecte aux professions de santé [était] susceptible d’être affectée par l’évolution de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui [avait] jugé, dans un arrêt récent, qu’une prohibition générale et absolue de la publicité relative à des prestations de soins est contraire au Traité ». Aussi, la juridiction avait défendu une libre communication.
Début 2019, l’Autorité de la concurrence avait quant à elle « insisté sur la nécessité de modifier les dispositions du code de la santé publique », « afin de les mettre en conformité avec le droit européen ».
L'Ordre des médecins planche quant à lui actuellement sur la question, confiait il y a peu dans nos colonnes son président, le Dr Patrick Bouet. « Le problème n’est pas d’autoriser la publicité promotionnelle mais de définir quelles sont les informations pertinentes qui peuvent être données à la population pour mieux construire son parcours de soins, confiait alors le Dr Bouet. Il ne s’agit donc pas d’autoriser à afficher une pancarte de 5 mètres sur 4 dans le métro qui dit "le Dr Untel est le meilleur généraliste de Seine-Saint-Denis". »
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique