Ils étaient une dizaine ce lundi 24 février – membres d’associations de patients mais également médecins – rassemblés devant le siège de l’Ordre des médecins, dans le 17e arrondissement de Paris, pour exprimer leur indignation face au silence de l’institution dans l’affaire de l’ex-chirurgien Joël Le Scouarnec et plus largement dans toutes les affaires de violences sexuelles dans le milieu médical.
« Bien sûr, la justice doit faire son travail, mais elle prend du temps. C’est donc aussi le rôle de l’Ordre des médecins de garantir la sécurité des patients et de suspendre des professionnels, notamment lorsqu’ils sont mis en examen », a dénoncé Sonia Bisch, présidente de Stop aux violences obstétricales et gynécologiques France (STOP VOG France), devant une dizaine de journalistes venus pour l’occasion.
L’Ordre partie civile : une aberration pour les manifestants
« Ce procès, a-t-elle ajouté, c’est vraiment l’arbre qui cache la forêt. Les violences sexistes et sexuelles sont généralisées dans le monde de la santé et il y a une véritable omerta, avec des professionnels de santé qui se protègent et des institutions qui, visiblement, les protègent aussi ! »
Au-delà de ce silence, c’est aussi la décision de l’Ordre de se porter partie civile qui indigne les manifestants. « L’Ordre n’a rien à faire en partie civile : il aurait dû empêcher ces agressions, dénonce une généraliste rencontrée sur place, membre du collectif DesOrdre, qui fédère plusieurs organisations syndicales* et réclame la dissolution de l’instance ordinale. On attend tout simplement de l’institution qu’elle y renonce et qu’elle reconnaisse sa responsabilité dans cette affaire car en agissant autrement, de nombreuses agressions auraient pu être évitées. »
Être du côté des victimes
Dans un communiqué, le Syndicat de la médecine générale (SMG, membre du collectif) rappelle que Joël Le Scouarnec avait été condamné en 2006 pour détention d’images pédopornographiques sans que l’Ordre n’engage de procédure disciplinaire. À l’époque, malgré de nombreux signalements déposés, le Conseil départemental de l’Ordre des médecins (CDOM) du Finistère avait, en effet, estimé ne pas être compétent pour engager une procédure disciplinaire à son encontre.
« L’Ordre doit être du côté des victimes, mais dans les actes, pas seulement dans les paroles, insiste Sonia Bisch. Pourquoi attendre les décisions de justice alors qu’il pourrait suspendre les professionnels mis en examen ? », interroge-t-elle, prenant comme exemple récent le cas du Pr Émile Daraï, gynécologue spécialiste de l'endométriose à l'hôpital Tenon (AP-HP) et mis en examen 32 fois pour violences volontaires sur des patientes. Malgré ces multiples accusations, ce spécialiste de l’endométriose continue de recevoir des patientes dans l’attente de son procès.
Syndicat de la médecine générale (SMG), Pour une M.E.U.F (pour une médecine engagée et féministe), Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) et le Mouvement d’insoumission aux ordres professionnels (MIOP)
À Vannes, Le Scouarnec reconnaît des « actes odieux »
L’ex-chirurgien pédocriminel a reconnu lundi devant le tribunal criminel du Morbilan, à Vannes, avoir « commis des actes odieux » au premier jour de son procès hors normes en France, pour des viols et agressions sexuelles sur près de 300 patients, la plupart mineurs au moment des faits. « Si je comparais devant vous c'est qu'effectivement un jour, alors que pour la plupart ce n'étaient que des enfants, j'ai commis des actes odieux », a déclaré d'une voix hésitante l'accusé de 74 ans. « Je suis parfaitement conscient aujourd'hui que ces blessures sont ineffaçables, irremplaçables, je ne peux pas revenir en arrière », a-t-il ajouté, disant vouloir « assumer la responsabilité » de ses actes et « des conséquences qu'ils ont pu avoir et qu'ils auront peut-être toute leur vie ».
Avec AFP
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