C’est une étude qui donne du grain à moudre à tous les défenseurs du déploiement des examens de biologie médicale délocalisés (EBMD) auprès des professionnels libéraux. On parle de ces examens délocalisés lorsque la phase analytique est réalisée à proximité du patient et « en dehors du laboratoire » (l’examen restant sous la responsabilité du biologiste et permettant une décision médicale immédiate).
Alors que la loi de financement de la Sécurité sociale 2023 prévoit d’encadrer le dispositif de biologie délocalisée afin de permettre un meilleur accès à certains actes sur le territoire, plus de 75 % des 116 répondants (dont 70 généralistes exerçant en centre de santé, maison de santé ou centre de soins non programmés) déclarent être favorables à l’extension de ce modèle de biologie délocalisée au sein de ces structures d’exercice coordonné.
Bémol, l’enquête fait ressortir que seuls 40 % des répondants ont vraiment entendu parler de ce cadre de biologie médicale délocalisée. Parmi les avantages envisagés, les professionnels de santé interrogés citent le bénéfice économique – tant pour les patients que pour le système de santé – ainsi que l’amélioration de la remontée des données. Mieux, plus de 90 % estiment que le recours à la biologie médicale délocalisée permet « de fonder la décision médicale sur une certitude diagnostique, et apporte une amélioration du parcours des patients (orientation, facilitation de la décision d’hospitalisation)
Définir les lieux prioritaires pour les automates
L’enquête a surtout permis de définir les lieux jugés prioritaires pour l’implémentation d’automates de BMD, tant pour le suivi de pathologies chroniques que pour les soins aigus. Les besoins varient ainsi selon les lieux d’exercice. Ainsi, les acteurs des soins primaires (hors centres de soins non programmés) désignent en priorité (70 %) les Ehpad, les MSP et centres de santé pour implanter ces automates. Mais au sein des structures traitant de soins aigus, 80 % des répondants jugent que les centres de soins non programmés sont des sites prioritaires (et à 40 % les transports sanitaires urgents).
Parmi les champs d’application les plus pertinents, la lutte contre l’antibiorésistance intervient au premier chef. Ainsi, neuf professionnels de santé sur dix « considèrent la CRP comme un paramètre indispensable ou utile » en EBMD (l’examen est pertinent pour favoriser le bon usage des antibiotiques). La prise en charge en urgence cardiaque est plébiscitée : trois quarts des répondants considèrent la troponine comme un paramètre indispensable ou utile en EBMD.
S’agissant de la prise en charge des infections respiratoires hivernales, 60 % des professionnels exerçant en MSP/centre de santé citent la détection du Streptocoque du groupe A comme paramètre indispensable ou utile. Et 70 % d’entre eux estiment que la détection du SARS-CoV2 et du VRS serait facilitée par le recours aux EBMD. Enfin, trois-quarts des professionnels exerçant dans ces structures considèrent aussi que ces automates délocalisés seraient très utiles dans le cadre du dépistage de la grippe. Au chapitre de la prévention et du dépistage des maladies chroniques, ce sont les dosages HbA1c et de créatininémie qui sont attendus par plus de 80 % des répondants.
Ces résultats mettent en évidence la pertinence de mettre en place un cahier des charges par « aires thérapeutiques », plutôt qu’une liste de paramètres, signale l’étude. La HAS pourrait être aux manettes pour énumérer les actes de biologie délocalisés pertinents « dans la prise en charge d’une pathologie en diagnostic initial en ville ».
Forfait dédié spécifique
Selon l’enquête, il reste à définir un modèle économique « incitatif » pour le déploiement de ces « laboratoires » délocalisés, 70 % des répondants déclarant que la question financière est un obstacle à leur mise en œuvre sur le territoire.
Entre autres pistes évoquées, les répondants suggèrent la création d’un « forfait dédié » pour les biologistes intervenant dans ces unités délocalisées. Cette incitation, plutôt à destination « des structures de soins effectrices », pourrait prendre la forme de l’ancienne rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). À condition que le cahier des charges en cours de rédaction par la Haute Autorité de santé (HAS) soit publié et que l’arrêté sur la biologie médicale délocalisée soit clairement établi.
Une consultation sur le sujet avait été programmée au troisième trimestre 2024 entre médecins, biologistes et tutelles. Une fois nommé, le nouveau ministre de la Santé conservera-t-il le rendez-vous à son agenda ? « C’est une vraie question, la dissolution a bousculé le timing », admet le Dr Lionel Barrand, président du syndicat Les Biologistes Médicaux. En pratique, si le texte devait voir le jour rapidement, ce serait aux agences régionales de santé (ARS) de fixer la liste des lieux pouvant accueillir ces automates de biologie délocalisés.
* Attentes et représentations des médecins de ville sur la biologie médicalisée délocalisée (BMD) avec le soutien d’Abbott.
Enquête anonyme menée fin 2023, 116 répondants dont 43 généralistes en structures d’exercice coordonné (MSP/Centres de santé), 27 généralistes en centres de soins non programmés, 15 IDE/IPA, 21 responsables/coordonnateurs de centres de santé et 7 biologistes.
L’Académie pointe les disparités de l’offre de soins en cancérologie
Un carnet de santé numérique privé ? L’onglet de Doctolib jette le trouble, jusqu'au ministère
Le retour à l’hôpital d’une généraliste après 25 ans de libéral
AP-HP, doyens, libéraux : pourquoi le secteur médical quitte X (ex-Twitter) au profit de Bluesky ?