La réponse aux soins non programmés est l'un des enjeux prioritaires du gouvernement pour réorganiser le système de santé. Les soins non programmés constituent l'une des missions socles des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et la mobilisation des professionnels de santé en ville pour les prendre en charge doit participer au désengorgement des urgences. Pour cela, Agnès Buzyn a récemment annoncé que 50 nouvelles maisons médicales de garde seraient bientôt adossées aux services d'urgence. Au niveau local, certains professionnels n'ont cependant pas attendu ces mesures pour s'organiser.
Partenariat avec l'hôpital local
À l'occasion du congrès annuel des Centres de santé, qui se déroulaient les 3 et 4 octobre à Paris, le Dr Matthieu Schuers, généraliste à la maison de santé du Pays Neufchâtelois (Seine-Maritime), a présenté comment la quinzaine de médecins de sa structure fonctionnent depuis une dizaine d'années, en s'appuyant notamment sur un partenariat avec l'hôpital local situé à 200 mètres des cabinets de ville. Implantée dans une zone rurale entre l’hôpital de Dieppe et le CHU de Rouen, la MSP prend en charge environ 12 000 patients, avec un territoire élargi à 50 000 patients pour les soins non programmés et la permanence des soins. « L'objectif de notre organisation est de répondre aux consultations classiques mais aussi à celles qui nécessitent des actes techniques : sutures, entorses, fractures… afin d'éviter au patient de faire 50 km pour une plaie ou une entorse », explique le généraliste.
Comment ça marche ? Chaque généraliste de la maison de santé possède quelques plages de soins non programmés dans son agenda. En plus, grâce à un système de turn-over, un médecin est chaque jour dédié aux visites à domicile le matin, un autre aux consultations urgences sans rendez-vous l'après-midi. Les soins non programmés sont assurés au sein de l'hôpital de Neufchâtel, dans un "centre de premiers soins" où cohabitent une structure de droit public, l’hôpital, qui fournit les locaux le matériel et le personnel paramédical, et de droit privé avec les médecins libéraux.
Les consultations "classiques" et programmées de médecine générale ont lieu dans la maison de santé et ce qui relève « des actes non programmés plus techniques et plus longs ou les consultations qui n’ont pas pu être absorbés par la MSP sont assurées par le centre de l'hôpital », poursuit le Dr Schuers. La nuit et le week-end, la permanence des soins est assurée par l’ensemble des généralistes du territoire au sein du centre de premiers soins. « Un généraliste et une infirmière sont présents 24 heures/24 et un deuxième médecin travaille en renfort le samedi après-midi et le dimanche », explique-t-il. Les systèmes d'information sont partagés entre les deux sites afin d'avoir accès aux dossiers médicaux des patients.
Au niveau des examens complémentaires, la maison de santé bénéficie d'un laboratoire d'analyses. Au sein du centre de soins de l'hôpital, il est possible par exemple de réaliser un ECG et de le faire interpréter par télé-expertise à un cardiologue basé à Rouen. De même pour la radiologie, une manipulatrice est présente sur place et un radiologue d'une clinique de Rouen se charge de faire le diagnostic en temps réel à distance.
Quels résultats ? Le centre de soins non programmés reçoit en moyenne 33 patients par jour dont 8 % sont transférés vers un autre hôpital. En comparaison, les urgences du CHU de Rouen sont à 300 patients jour. « Peu d'études ont été réalisées mais l'ARS estime que le taux de recours aux urgences des patients du territoire de la maison de santé est de 2 à 3 fois inférieur à la moyenne régionale », précise le Dr Schuers.
Qui finance ? Au niveau de la structure libérale de droit privé, le financement est basé sur les honoraires, complétés par une subvention de l'ARS via le fonds d'intervention régional (FIR). Au total les dépenses s'élèvent à 1,1 million d’euros et nécessitent une subvention de 600 000 euros de l’ARS. L'avenir de cette organisation serait cependant menacé par son statut. « L'ARS fait pression pour nous faire rentrer dans le cadre conventionnel car on ne rentre ni dans celui de la PDSA ni dans celui des soins d'établissement hospitalier. Mais quand une organisation qui fonctionne ne rentre pas dans le cadre, est-ce la faute de l’organisation ou du cadre ? » s'interroge le Dr Schuers.
Le modèle de la maison de santé du Pays Neufchâtelois est-il transposable dans une zone urbaine ? Le généraliste estime que pour que cela fonctionne, la structure devrait cohabiter avec celles qui existent déjà, comme SOS médecins ou les structures hospitalières. « Il faudrait bien définir les rôles des différents acteurs et articuler soins primaires et services d’urgences », commente le Dr Schuers. Ce sera d'ailleurs tout l'enjeu de l'articulation des futurs hôpitaux de proximité et des organisations de soins de ville par les CPTS, que le gouvernement veut développer.
Les centres de santé veulent faire valoir leur expertise
Le Dr Eric May, président de l'Union syndicale des médecins de centre de santé et organisateur de cette table ronde, confiait au Généraliste que les centres de santé, comme les maisons de santé, « ont déjà l'obligation d'organiser ces prises en charge compte tenu des conventions ». Au vu de leur expérience dans ce domaine, le Dr May lance donc un appel aux décideurs politiques : « Nous devons être associés à tous les dossiers qui concernent les soins primaires, je pense par exemple à la situation des urgences, à la création du service d'accès aux soins (SAS) mais aussi à la réforme qui va réglementer les hôpitaux de proximité ». Les équipes du Dr May ont d'ailleurs profité de la présente du député Thomas Mesnier (LREM), présent au congrès et qui travaille actuellement auprès de la ministre Agnès Buzyn sur les urgences, pour demander à être auditionné sur le sujet
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