Le dossier navigue entre la chambre disciplinaire de l'Ordre et le Conseil d'État depuis plus de cinq ans. Un généraliste-homéopathe des Alpes-Maritimes, à qui il est reproché un défaut de prise en charge d'un patient atteint de l'Hépatite C, est dans la tourmente depuis lors. Après des années de combat pour faire annuler sa condamnation de trois ans de suspension d'exercer, le Conseil d'État lui a finalement donné raison, malgré la ténacité de l'Ordre.
L'affaire remonte à l'année 2011. Un des patients du Dr B., un octogénaire qu'il suit pourtant depuis 1986, décide de porter plainte contre son médecin de famille devant l'Ordre de Paca. Le motif ? Une prise en charge qu'il juge inadaptée de sa pathologie, une hépatite C diagnostiquée en 1994. Il est notamment reproché au médecin d'avoir privilégié des thérapeutiques allopathiques et des médecines complémentaires comme l'homéopathie et la phytothérapie à un traitement antiviral par Interféron. Le fait de ne pas avoir orienté le malade vers un spécialiste en hépatologie avant l'année 2011 fait aussi partie des chefs d’accusation.
Trois ans de suspension
Lors de la première audition du généraliste devant les juges de PACA en juin 2013, le médecin s'était défendu en affirmant que le traitement avait été choisi en concertation avec le patient : « Après une discussion avec le patient sur une éventuelle indication d'un traitement par Interféron, (...) le patient, dont l'état général et biologique était très satisfaisant, a refusé de consulter un spécialiste et ils ont décidé ensemble de poursuivre les thérapeutiques allopathiques », précise la décision de l'Ordre à laquelle Le Généraliste a eu accès. Cette version est contestée par l'octogénaire. Il défend que « le praticien ne lui a pas proposé une autre prise en charge thérapeutique que la sienne ». À l’issue de la première instance, la sanction tombe : l'Ordre condamne le généraliste à trois ans de suspension, dont un an assorti du sursis.
Le généraliste des Alpes-Maritimes n'en reste cependant pas là. Il fait appel de cette décision et demande l'annulation de sa peine. Mais en mars 2015, l'Ordre rejette sa requête et confirme que la sanction devra être exécutée dès septembre 2015 jusqu'en août 2017. Il ne reste alors plus qu'une solution à l'accusé, porter l'affaire devant le Conseil d'État. Il sera alors suspendu 5 mois, le temps de faire un référé auprès du Conseil. Ce n'est que le 20 mars 2017 que la décision est rendue : considérant que « la chambre disciplinaire nationale a prononcé une sanction hors de proportion avec la faute reprochée », le Conseil d'État demande l'annulation de la suspension et renvoie une nouvelle fois la décision devant la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre. Il demande également à l'Ordre des Alpes-Maritimes, qui avait soutenu le patient, de verser la somme de 3 000 euros au généraliste.
Un généraliste « écœuré »
Un revirement qui aurait pu sonner la fin du conflit. C'était sans compter sur la fermeté de l'Ordre, qui au terme d'une énième audition du généraliste devant la chambre disciplinaire, opte pour une réduction de la suspension à un an d'interdiction d'exercer. Une peine à laquelle le médecin désormais retraité ne souhaite plus faire appel. « Il est épuisé », confie Me Thibaud Vidal, avocat du Syndicat des médecins d'Aix et de région (SMAER), qui a soutenu le médecin tout au long de la procédure. Le généraliste a ainsi pris sa retraite « contraint et forcé, écœuré par cette décision injuste de ses confrères», précise le Dr Guy Rougier, vice-président du syndicat. Il considère que cette affaire s'apparente « plus à un règlement de comptes entre médecins qu'à une faute professionnelle ». Et d'ajouter : « Il n'y a pas de faute du point de vue des recos de la HAS. Le traitement par Interféron peut jouer sur la qualité de vie du patient mais pas sur la durée de vie ».
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