[Article mis à jour le 20/03/2018 à 19:15]
33 ans, cinq ans d’exercice et déjà usé… Ce mardi, Ouest France raconte l’histoire du Dr Matthieu Lorin, généraliste en Mayenne.
Au sortir de ses études à Nantes, le Dr Lorin rejoint le pôle médical de Villaines-la-Juhel. « Le projet médical de Villaines-la-Juhel était le plus abouti et le plus rassurant pour le débutant que j’étais. Mon épouse avait sa famille dans la région. Du coup, c’était parfait », se souvient-il pour le quotidien régional. Cinq ans à enchaîner des journées de 15 heures et une séparation plus tard, le praticien jette l’éponge.
Un phénomène générationnel
Malgré un amour évident pour son métier, le Dr Lorin n’en peut plus. « Sans stabilité familiale, on ne tient pas. Si on n’arrive pas à se ressourcer en dehors du travail, personne ne tient. Surtout avec des fréquences de travail qu’on ne peut plus tenir », estime le Dr Sayaka Oguchi, présidente du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG). Et si leurs aînés sacrifiaient leur vie de famille au profit de leurs patients, ce n’est pas le cas de la nouvelle génération. « C’est vraiment générationnel. Notre valeur refuge c’est plus la famille que le travail », reconnaît le Dr Oguchi, interrogée par « Le Généraliste ». « Les aspirations ne sont plus les mêmes. Aujourd’hui la volonté de travailler moins en volume est évidente, confie le Dr Yannick Schmitt, président du Regroupement autonome des généralistes, jeunes installés et remplaçants (Reagjir). Mais ça ne veut pas dire qu’on veut travailler moins tout court. »
Le ras-le-bol du Dr Lorin ne surprend pas le président de Reagjir, qui assure que les situations où un médecin se fait progressivement déborder par son activité sont de plus en plus fréquentes. « C’est malheureusement les pratiques d’une majorité de généralistes, avec un gros volume d’activité, d'importantes amplitudes horaires. C’est très clairement le meilleur moyen pour arriver en burn-out très rapidement. Ce médecin a beau être jeune et dynamique, il n’avait certainement pas l’ambition de travailler de cette manière. Mais il en est quand même arrivé à ce résultat, avec des conséquences sur sa vie professionnelle et familiale », explique le Dr Schmitt.
Garder le contrôle
Alors comment éviter ces situations ? Pour le Dr Oguchi, un « réenchantement » de la médecine générale et de ses conditions d’exercice est indispensable. Le Dr Yannick Schmitt mise, lui, sur l’exercice pluriprofessionnel. « Exercer en bonne intelligence avec les autres professionnels de santé de son territoire permet d’alléger énormément son temps de travail et l’énergie qu’on y met », souligne-t-il.
Surtout, il est primordial pour les généralistes de garder le contrôle. « Le seul conseil que je pourrais donner à chaque jeune médecin serait de ne pas se laisser manger par ses patients et leurs demandes », avertit le Dr Schmitt. Refuser les faux rendez-vous urgents, éduquer sa patientèle sur les signes réels d’urgence – quitte à passer un peu plus de temps en consultation – ou encore habiter à un endroit différent de son lieu d’exercice sont, selon le président de Reagjir, des moyens de « se préserver et réussir à avoir une carrière agréable tout du long ».
« Il y a quand même une majorité de médecins qui sont heureux au quotidien », remarque le Dr Schmitt. « Un grand nombre de praticiens prouvent à leurs internes qu’un exercice équilibré peut tout à fait exister et que quand on y arrive, cela procure une satisfaction énorme », conclut-il.
Dernière minute : la rectification du Dr Lorin
Joint mardi soir par « Le Généraliste », le Dr Matthieu Lorin a tenu à pondérer le reportage de Ouest France. Le médecin dément être surchargé de travail et précise que les raisons de sa séparation ne sont pas liées à son exercice professionnel. « Les conditions de travail sont comparables à celles qu'on a en ville. L'accès aux loisirs et aux services est, certes, plus compliqué dans une petite commune de Mayenne qu'en ville mais c'est compensé par une meilleure qualité de vie », assure le praticien. « Nous ne sommes pas en situation critique ou de survie mais dans une situation où on préfèrerait faire autrement », résume-t-il. Le départ du généraliste n'est donc aucunement lié à une surcharge d'activité. Une fois parti, il continuera d'exercer la médecine générale à Saint-Lô (Manche).
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique