« Je veux être le détonateur dans la Sarthe. La pénurie médicale est une maladie grave. Et nous avons des idées pour la traiter », martèle le Dr Laure Artru, installée dans la Sarthe depuis trente ans. Alors que 59 000 patients n'ont pas de médecin traitant dans ce département, la rhumatologue du Mans a décidé d'agir en créant une association de patients sans médecin. Celle-ci tient sa première réunion ce mercredi 11 mars dans le petit village de Chantenay-Villedieu, en présence de professionnels de santé, d'élus et de patients.
« Certains de mes anciens patients qui n’ont plus de médecin traitant sont venus me voir. Je me retrouve à faire le travail de généraliste interniste qui n’a rien à voir avec de la rhumatologie. Les maladies élémentaires n’étant pas diagnostiquées, il y a une perte de chance réelle. Dernièrement, j’ai trouvé deux mélanomes chez deux patients. Alors j'ai dit stop ! », raconte-t-elle.
À travers cette association, le Dr Artru souhaite non seulement alerter et responsabiliser les patients dans cette période de crise mais aussi valoriser des initiatives sarthoises pour améliorer l'accès aux soins. « Nous avons proposé la création d'une maison de patients sans médecin qui existe déjà dans l'Orne ou en Mayenne. Cela permet aux patients sans médecin traitant de consulter des médecins », indique la rhumatologue. Autre initiative : proposer aux médecins qui refusent de prendre de nouveaux patients d'accorder une demi-journée par semaine de leur temps pour voir des patients sans médecin pour des consultations longues et complexes, de prévention. « Mais ceci n'est possible que si l'Assurance-maladie accepte de mieux rémunérer les actes », ajoute-t-elle. Le médecin réclame aussi la tenue urgente d’un « Grenelle de la santé » sarthois pour trouver des solutions immédiates.
Mesures coercitives
Pour l'heure, le Dr Artru a lancé une pétition pour demander des mesures contre les déserts médicaux qui a récolté plus de 1 000 signatures. Tout en demandant aux pouvoirs publics d'agir, la pétition liste aussi des propositions où figurent en bonne place deux mesures coercitives : contraindre les internes à travailler de façon transitoire en zone sous-dotée et limiter, voire supprimer le remboursement des honoraires lors d’une installation en zone sur-dotée. « Je défendrai toujours les internes. Il faut mieux les payer et les considérer. Mais ensuite, pourquoi un jeune médecin ne ferait trois ans dans les déserts ? », assène le médecin. Dans cette « rude » bataille, le Dr Artru veut en tout cas faire appel à la « générosité » des jeunes médecins.
« Ils doivent venir faire l'humanitaire dans la Sarthe. On les attend ici pour sauver les anciens qui veulent prendre leur retraite. Mais cette générosité ne sera au rendez-vous que si les consultations sont mieux rémunérées. Le nouveau ministre doit faire bouger les lignes et ne plus céder au lobby des médecins. Aujourd'hui, la souffrance de mes patients prime sur l'assentiment des médecins », conclut la rhumatologue.
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