Lancé officiellement ce mardi 7 janvier, le site www.arretmaladie.fr fait parler de lui sur les réseaux sociaux depuis plusieurs jours. Épinglé par plusieurs médecins, il propose de fournir des arrêts maladie de trois jours maximum pour des pathologies « simples et courantes » et « sans se déplacer » chez son médecin traitant ! Un outil qui serait « 100% valide », « remboursable », « rapide et sécurisé »...
Le patient se connecte sur le site et remplit un questionnaire (ici grippe/gastro) pour décrire ses symptômes, formulaire censé préparer une téléconsultation avec un médecin en ligne. Il est alors adressé vers un second site Web, www.docteursecu.fr, où il peut bénéficier d'une téléconsultation avec un « médecin français, dès que possible, pour un court appel vidéo », via une plateforme. Ce dernier délivre ensuite un arrêt maladie au format PDF (crypté et sur une plateforme sécurisée). « Le médecin envoie les deux autres versions de l'arrêt maladie à votre CPAM en ligne », assure le site.
Facturée 25 euros, la consultation est remboursable « sous conditions », prétend le site. Les patients ne peuvent demander qu’un nombre « limité » d’arrêts par an, avec un intervalle « d’au moins trois semaines ». Le site assure que les services proposés n'ont pas pour objet « de remplacer les consultations avec le médecin traitant et ne permettent en aucun cas la prise en charge d'urgences ».
Comme des pizzas
Sur Twitter, cette plateforme n'a pas tardé à faire polémique. Le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-Syndicat, dénonce une « marchandisation » et un « détournement » du système sanitaire.
Alors attention c’est extraordinaire , c’est le patient qui défini de combien de jour d’arrêt celui ci a besoin ...
— DrMartyUFML-S (@Drmartyufml) January 2, 2020
Regardez le questionnaire c’est hallucinant pic.twitter.com/nZzUN7FdWI
Président de la FMF, le Dr Jean-Paul Hamon s'inquiète ce mardi de la « désorganisation » croissante du parcours de soins et exhorte l'Ordre à prendre position.
MG France épingle lui aussi cette initiative déplacée.
Certains sites proposent maintenant des arrêts maladie en ligne en quelques clics... comme une pizza !!!
— MG FRANCE (@MG_France) January 6, 2020
"Remboursable" ? Ce n'est pas notre lecture. Cc @nicolasrevel @ameli_actu
Ne jouons pas aux dés avec la santé !
Pour les soins, exigeons la vraie qualité ! pic.twitter.com/jQ1OFdor2V
La CNAM ripose par un référé
Contactée, la CNAM confirme au « Quotidien » avoir été « alertée » sur l’existence de ce site, avant de réagir officiellement ce mardi après-midi. « Ce site véhicule une information inexacte qui trompe les assurés et s’écarte de la déontologie médicale. La prise en charge par l’assurance-maladie des téléconsultations appelle le respect d’un certain nombre de conditions, qui ne sont pas remplies en cas de recours à ce site », indique la CNAM, soulignant au passage qu'il est « éthiquement critiquable » de faire la promotion d’un site de consultations médicales en ligne en promettant l’obtention facilitée d’un arrêt de travail...
« Les arrêts de travail ne sont pas des produits de consommation, susceptibles d’être distribués sur demande des patients. Ils relèvent d’une prescription médicale et doivent intervenir à l’initiative du médecin », complète l'assurance-maladie, qui va mettre en demeure immédiatement le site de cesser ses activités. La caisse engage à cet effet une action en référé, en lien avec le conseil de l’Ordre des médecins.
Pas un coup d'essai
Le site arretmaladie.fr, qui assure que ses plateformes de téléconsultation sont agréées comme hébergeurs de données de santé à caractère personnel et respectent les règles de la CNIL, est édité par une société allemande, baptisée « Dr. Ansay AU-Schein » et dont le siège est à Hambourg. Le président de cette société est Can Ansay, 42 ans. Il n'est pas médecin mais avocat et docteur en droit.
Ce dernier a monté en 2018 un business autour des arrêts maladie en Allemagne, d'abord via la messagerie WhatsApp puis un site Internet, comme l'expliquait en juin 2019 l'hebdomadaire d'outre-Rhin « Die Zeit » (article en allemand). Dans une interview donnée dans le même journal en octobre, Can Ansay estimait à 15 000 le nombre de patients qui utilisent son service en Allemagne – la plupart d'entre eux entre 20 et 30 ans.
« Forte de cette expérience allemande, la société souhaite explorer le service en France en lançant un service similaire, mais adapté à la législation française, affirme le 5 janvier dans un communiqué la société Docteur Sécu, en guise de réponse aux critiques qui se multiplient. La société de Can Ansay nous a contactés pour une mission de conseils concernant la législation française. » Pour le moment, le site www.arretmaladie.fr serait « en mode expérimental », se focalisant uniquement « sur les épidémies de grippe et de gastroentérites ». Ce qui n'a pas empêché le tollé médical immédiat.
[Article mis à jour mardi 7 janvier à 17 heures, à la suite d'un communiqué de presse de l'assurance-maladie]
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