Le 12 mars, le conseil national de la CSMF, composé d'une soixante de cadres, élira le nouveau patron de la centrale polycatégorielle, après le double mandat de Jean-Paul Ortiz, tournant une page de son histoire.
Qui pour succéder au néphrologue de Cabestany, à la tête du premier syndicat de praticiens libéraux ? Selon nos informations, le Dr Luc Duquesnel, généraliste en Mayenne et actuel chef de file de la branche généraliste de la Conf', souhaite conserver son poste et ne pas briguer la présidence. En revanche, le Dr Franck Devulder, gastro-entérologue à Reims et patron de la branche spé, a confié au « Quotidien » son « envie » de reprendre le flambeau. « Cette fois, il n'y aura pas de grande bagarre interne », assure déjà un membre du bureau.
Atomisé
Comme l'explique le Dr Michel Chassang, généraliste auvergnat qui occupa le fauteuil de président de la Conf' pendant douze ans, « c'est traditionnellement l'un ou l'autre président de branche qui est élu… même si toute autre candidature est possible comme ce fut le cas pour l'élection de mon successeur ». De fait, en 2014, le Dr Jean-Paul Ortiz, alors aux manettes de l’URPS médecins libéraux du Languedoc-Roussillon et du Syndicat des médecins de l’hospitalisation privée (Symhop), était considéré comme outsider dans la bataille de succession. Il avait pourtant largement battu le Dr Jean-François Rey, gastroentérologue à Saint-Laurent du Var, alors président des spés de la CSMF (Umespe).
Au-delà des personnes, « le futur président devra rassembler, conseille le Dr Chassang. Ces derniers mois, j'ai vécu douloureusement le départ d'une fraction des spécialistes. Cela m'a rappelé la scission de MG France [en 1986/87]. À force de division, le corps médical est devenu balkanisé, atomisé. »
Les dernières élections professionnelles de 2021 ont laissé un goût amer aux cadres confédérés. Avec un taux de participation historiquement faible (22,66 % tous collèges soit 17 points de moins qu’en 2015), la CSMF – qui présentait des listes partout – avait perdu du terrain par rapport aux forces monocatégorielles (MG France chez les généralistes, Avenir Spé-Le Bloc chez les spécialistes), tout en conservant son leadership global (en élus et en voix).
Vers un syndicat de services ?
L'arrivée du nouveau président ne signifie pas pour autant virage à 180 degrés de la ligne politique. Au contraire, assurent plusieurs cadres joints par « Le Quotidien », le futur patron devra rester fidèle « à la conception libérale et sociale de l’exercice médical », ne pas céder aux « surenchères » et poursuivre le vaste chantier de refondation interne inscrit en 2020 dans le « projet politique ».
Malgré les aléas et les divisions, la centrale polycatégorielle s'enorgueillit toujours de peser sur la politique de santé, notamment à travers la vie conventionnelle. Elle entend aussi devenir « un vrai syndicat de services capable d'accompagner les médecins libéraux dans la mutation de leur exercice », décrypte le Dr Luc Duquesnel. Il s'agit d'un « projet entrepreneurial adapté au monde de demain », ajoute le généraliste mayennais. Le cabinet 2030 se veut le fer de lance de cette rénovation. « J’y mets de l’innovation organisationnelle, des assistants médicaux, un secrétariat, des infirmières, des IPA. Tout ce qui nous permet de prendre en charge davantage de patients sans travailler plus car nous ne pourrons pas travailler plus ». Des travaux sont en cours dans les locaux parisiens avec la création d’un amphithéâtre, de salles de formation et l'installation du cabinet témoin.
Honoraires et interpro
Mais à court et moyen terme, le « grand défi » du futur président de la CSMF sera la préparation de la future convention médicale (l'actuelle prenant fin en mars 2023). Les négociations commenceront dès septembre 2022 mais la Cnam a déjà prévu des réunions « préparatoires », par groupes de travail, de mars à juin 2022.
Pour la CSMF, cette convention devra « valoriser l'expertise médicale et l’innovation », avec quatre niveaux lisibles de consultation (de 30 à 100 euros) et en réévaluant les actes techniques. Le syndicat continuera à défendre le paiement à l’acte prédominant. Alors que Valérie Pécresse a promis dans nos colonnes de porter la consultation de référence à 30 euros, la question des honoraires devrait revenir au premier plan dans les prochains mois. « Une consultation chez un généraliste à 25 euros est une insulte à notre mission, à notre engagement professionnel », résume le Dr Ortiz.
Pour le futur contrat avec la Cnam, l'investissement financier devra être « massif », plaide la CSMF, qui évalue l'investissement nécessaire à « trois milliards d'euros ». « Au fil des conventions, il y a eu des rustines sans véritables moyens financiers et matériels. Le futur président devra être tenace en fixant des lignes rouges à ne pas franchir », plaide le Dr Yves Decalf, cardiologue retraité, adhérent à la CSMF depuis 1974.
Rapprochements
Quinze ans après la mise en place du médecin traitant et des parcours de soins, le syndicat s'est ouvert aux délégations de tâches – et non de compétences – et à la coopération avec les autres soignants. C'est en ce sens que la Confédération a défendu le soutien aux équipes de soins (primaires ou spécialisés) dans le cadre interpro, la mise en place des assistants médicaux et des infirmiers en pratique avancée (IPA). Aujourd'hui, la CSMF se dit attentive à soutenir toute « initiative locale » de coordination autre que les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) ou les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), des modèles jugés rigides.
Pour défendre ces valeurs, les cadres espèrent que leur nouveau leader entamera un processus de rapprochement avec d'autres syndicats. « Il y a des divergences sur certains points, assume le Dr Franck Devulder. Mais c'est tous ensemble que nous pourrons faire bouger les lignes de l'Assurance-maladie ». Un début de feuille de route ?
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique