L'information ne manque pas de piquant : en pleine campagne présidentielle, 83 % des médecins reconnaissent que les règles de leur propre répartition territoriale ne prennent pas suffisamment en compte les besoins de la population, selon un sondage* rendu public lundi par l'institut Odoxa pour le compte de plusieurs partenaires (Orange, la MNH, Ramsay Générale de Santé, la Chaire santé de Sciences-po, « le Figaro » et France Inter).
Plus surprenant encore, 44 % des praticiens (et 81 % des Français) seraient d'accord pour que les pouvoirs publics interviennent directement d'une manière ou d'une autre pour réguler la répartition des médecins libéraux sur le territoire (ce sujet relève aujourd'hui des partenaires conventionnels).
Parmi ces praticiens qui acceptent le principe d'une intervention des pouvoirs publics, la méthode divise : la moitié d'entre eux (48 %) privilégient « plus d’avantages aux praticiens prêts à exercer dans des déserts médicaux ». Mais 43 % des médecins tout de même se rangent à l'idée de limiter « l’installation de [nouveaux] médecins dans les zones où ils sont déjà en nombre suffisant », à l'instar du système négocié par les infirmières (une installation pour un départ en zone surdotée). Seuls 9 % pensent qu'une meilleure répartition pourrait s'obtenir en obligeant les intéressés à s’installer dans les zones fragiles.
Les paradoxes de l'exercice rural
Certaines mesures sont rejetées comme le déconventionnement pur et simple des praticiens s'installant en zone surmédicalisée (74 % des médecins y sont hostiles), la non prise en charge par l'assurance-maladie d'une partie des cotisations sociales (60 %) ou l'affectation autoritaire pendant les 10 premières années d'exercice (89 %).
Le sondage montre que la perception de l'exercice dans les petites villes et les zones rurales n'est pas si négative. 74 % des médecins estiment qu'ils peuvent par leur présence éviter la désertification des campagnes, opinion partagée par 89 % des Français. Surtout, 81 % estiment que les rapports humains y sont plus variés et plus chaleureux.
Enfin, 65 % des praticiens (et 82 % des Français) jugent qu'exercer dans ces zones peut améliorer leur qualité de vie personnelle (maison, loisirs, nature). Revers de la médaille, 57 % des praticiens pensent que l'exercice rural contraint les médecins à être plus souvent sur les routes qu'à leur cabinet, et 78 % d'entre eux reconnaissent qu'il est difficile d'y faire venir son conjoint.
Le verdict tombe quand la question est posée directement. Si l'on exclut les médecins qui exercent déjà dans les campagnes, seuls 39 % des praticiens interrogés seraient prêts à s'installer en zone rurale – et 22 % dans une cité populaire de banlieue. Les incitations n'inversent pas la donne : 52 % des praticiens assurent qu'elles ne seraient pas une raison suffisante pour s'y installer.
Les MSP plébiscitées
Pour l'installation en zone sous-médicalisée, certaines mesures trouvent néanmoins grâce aux yeux des praticiens. L'existence d'une maison de santé pluridisciplinaire, ou la mise à disposition par la mairie d'un local professionnel est un plus pour 78 % des médecins. Sont également bien vus : le développement de la collaboration libérale et du travail en réseau (77 %), les bourses d'études en échange d'un engagement à exercer ultérieurement dans le secteur (67 %), l'exercice en lieux multiples (64 %) ou encore la délégation de tâches (58 %)…
77 % des Français considèrent que les propositions sur la santé auront un impact important sur leur vote. Pour réduire le déficit de l'assurance-maladie, les Français ont quelques idées. 83 % pensent qu'il faut favoriser les soins ambulatoires pour réduire les dépenses d'hospitalisation ; 73 % jugent qu'il faut inciter les médecins à limiter les arrêts maladie ; et 44 % suggèrent de rembourser plus ou moins les patients selon leur comportement (tabac, alcool, etc.). En revanche, l'instauration de franchises sur les remboursements ne convient qu'à 25 % des Français. Et seuls 9 % d'entre eux militent pour ne plus rembourser que les médicaments pour les maladies les plus graves.
(*) Échantillon de 1 001 Français de 18 ans et plus, parmi lesquels 428 médecins, interrogés via Internet du 3 au 20 février.
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