968 agressions déclarées en 2016 contre 924 en 2015 : le compteur des incidents déclarés par des médecins s'emballe. Les chiffres de l'Observatoire du Conseil de l'Ordre qui regroupent les agressions verbales ou physiques, menaces, vols, dégradations, etc. confirment l'impression générale d'insécurité des praticiens.
La publication de ces mauvais résultats intervient quelques semaines après l'agression mortelle dont a été victime le Dr Patrick Rousseaux, généraliste à Nogent-le-Rotrou, assassiné à son cabinet d'une trentaine de coups de couteau par un patient, le 2 février dernier.
L'année 2016 aura été marquée par de graves agressions de médecins urgentistes à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Tourcoing (Nord) et Soissons (Aisne), emblématique d'une triste escalade de la violence. « Cette augmentation est très inquiétante », commente le Dr Hervé Boissin, conseiller national du CNOM et coordonnateur de l'Observatoire.
Départements les plus touchés : la Loire en tête
En valeur absolue, les Bouches-du-Rhône ont connu le plus grand nombre d'incidents : 68 en 2016 (contre 63 en 2015). On trouve en 2e position le Nord (59 incidents), la Loire et la Seine-Saint-Denis (49). En queue de peloton se situe la Haute-Savoie, avec huit incidents déclarés. Mais si l'on retient le ratio entre le nombre d'incidents et celui des médecins en exercice, la Loire arrive en tête avec 2,1 % de ses praticiens ayant été l'objet d'une agression, suivie par le Vaucluse (1,6 %), l'Ariège (1,5 %) et la Seine-Saint-Denis (1,3 %).
La majorité des incidents ont concerné la médecine de ville : 75 % des incidents s'y sont déroulés (contre 71 % l'année d'avant). En établissements, le nombre d'incidents baisse sensiblement d'une année sur l'autre. Ils ne représentaient plus que 10 % des cas l'an dernier contre 22 % en 2015.
Les hommes généralistes, principale cible des agresseurs
Les généralistes ont le douloureux privilège d'être en première ligne face aux patients agressifs. Ils concentrent 65 % des agressions subies. Ce résultat est en constante progression depuis 2012, date à laquelle ils ne représentaient « que » 56 % des cas. Les autres spécialités concentrent 35 % des agressions. Les plus visées par les agressions sont, comme en 2015, les ophtalmologues (56 cas), trois fois que les psychiatres, les dermatos et les gynécologues obstétriciens, et six fois plus que les médecins du travail, les ORL, les orthopédistes et les radiologues.
L'agresseur, son arme, son mode opératoire, ses motifs
L'agresseur est le patient dans un peu plus d'un cas sur deux (51 %), un accompagnant (15 %), ou une tierce personne (12 %). Une arme a été utilisée dans 2 % des agressions. Quatre agressions se sont déroulées à l'aide d'un couteau ou d'un cutter, trois avec un revolver, deux avec une canne (!), une avec une barre de fer et une autre avec une hache…
L'auteur des incivilités en reste souvent à des menaces verbales (dans 61 % des cas, contre 69 % en 2015), tandis que les vols ou tentatives de vol restent stables d'une année sur l'autre à 19 %. Les cas de vandalisme ont augmenté de 8 à 10 % entre 2015 et 2016. Les agressions physiques demeurent stables et représentent 7 % des incidents. Ces violences physiques (71 cas en 2016) sont très majoritairement des coups et blessures (64 cas), des crachats au visage (5 cas), et ont donné lieu à une séquestration et une agression sexuelle.
L'élément déclencheur est souvent banal. 300 incidents sont nés d'un reproche sur une prise en charge, 177 se sont traduits par un vol (d'ordonnances, de sac à main, de portefeuille...), 168 étaient consécutifs à un refus de prescription par le praticien, et 92 portaient sur une demande de falsification de certificat. Dans 95 cas, un temps d'attente jugé excessif est à l'origine de l'incivilité.
Des incidents rarement très graves, souvent sans suite judiciaire
Les incidents ont donné lieu dans 7 % des cas à une incapacité temporaire de travail (ITT), le plus souvent inférieure à huit jours. 75 % n'ont donné lieu à aucune ITT. Ce faible score s'explique par le fait que les médecins agressés reprennent le travail sans consulter, analyse le Dr Boissin. 56 % des praticiens n'ont donné aucune suite à ces incidents (même score en 2015), 32 % ont porté plainte et 12 % ont déposé une main courante. Le Dr Boissin conseille aux médecins de déclarer tous les incidents : « Ça obligera les pouvoirs publics à réagir, affirme-t-il. Le ministère de la Santé n'a pris que trop tardivement la mesure du problème ».
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