39 % des soignants exerçant en milieu rural ont eu des idées suicidaires à cause de leur travail. C'est ce que révèle une étude* de l'association Soins aux professionnels en santé (SPS), qui s'est basée sur ce chiffre alarmant pour lancer ce mercredi un nouveau projet, le « care » des territoires oubliés – en plus de son activité de prise en charge des soignants vulnérables.
L'objectif est de faciliter la prise en charge des patients lourds et chroniques dans les territoires ruraux oubliés, qui engendrent une surcharge de travail ou de la désorganisation – et donc de la souffrance pour les soignants. Il est urgent de revitaliser les territoires « pour qu'il fasse bon y vivre et y soigner », résume le Dr Eric Henry, président de SPS.
Pour relever ce défi, l'association, qui entend constituer une « communauté de 50 territoires ruraux oubliés », mise tout sur la e-santé et l'intelligence artificielle. En pratique, les territoires sélectionnés devront inscrire leurs patients lourds, chroniques ou handicapés (éventuellement équipés d'objets connectés) au sein d'un réseau de surveillance, qui prendra la forme d'une plateforme.
Médecin coordinateur central
Accessible par téléphone ou par Internet, cette plateforme fonctionnera 24 heures/24 et 7 J/7 avec des médecins coordinateurs. Les professionnels de santé (infirmières, kinés, pharmaciens ou même ambulanciers) présents sur le territoire auront été recensés au préalable. Le patient qui téléphone ou se rend sur la plateforme en ligne est questionné sur la raison de son appel par une personne formée en régulation médicale. Si son recours relève de l'urgence, il est adressé vers le 15. Sinon, lorsque c'est nécessaire, un des professionnels de santé disponible se déplace pour prendre en charge le patient.
« Ce dernier va examiner l'état du patient avec un interrogatoire, en lui demandant ses antécédents et en regardant s'il y a des signes physiques visibles », indique l'urgentiste Loïc Étienne, partenaire du projet et président de Medical Intelligence Service, qui produit des systèmes embarqués. « Au besoin, il peut déclencher une téléconsultation ou du téléconseil avec le médecin coordinateur, et émettre des hypothèses diagnostics », précise le médecin.
Le professionnel de santé envoie ensuite un compte rendu au médecin coordinateur, qui pose un diagnostic médical, rédige une ordonnance et prend un rendez-vous avec un médecin spécialiste si nécessaire.
5 000 euros par commune
Le parcours sera le même dans le cas où le patient chronique est connecté à la plateforme via un outil de e-santé. En fonction des données du patient recueillies par l'objet connecté et de leur analyse, une alerte pourra remonter au médecin coordinateur.
Si tout semble calé pour le fonctionnement, reste à trouver les moyens financiers pour concrétiser le projet et rémunérer les intervenants. « La Sécu pourrait mettre l'argent qui n'a pas été dépensé dans les territoires faute de médecins, à raison d'une visite à 35 euros par mois par patient lourd, cela fait déjà 420 euros par an », suggère le Dr Eric Henry, qui a sollicité le directeur de l'assurance-maladie sur ce sujet. L'idée est que les communes participent aussi à l'effort financier, à raison de 5 000 euros.
Outre cette plateforme, SPS mise sur la « médecine mobile ». L'idée est de rassembler des équipes interprofessionnelles dans des unités mobiles (trains, bus) sur des périodes de trois à quinze jours pour faire des soins mais aussi de la prévention et de l'éducation thérapeutique. Les acteurs pourraient être les étudiants en santé, les remplaçants, des médecins installés volontaires ou retraités.
* Étude réalisée en novembre 2017 par Stéthos pour SPS.
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