Ils étaient une bonne trentaine de professionnels de santé à avoir fait le déplacement au Conseil de l’Ordre du Loir-et-Cher. Plus d’hommes que de femmes, avec une nette surreprésentation de généralistes. Dans une ambiance sérieuse, les professionnels de santé ont joué le jeu. Il faut dire qu’Élisabeth Hubert avait cadré le débat : « Les constats et diagnostics ont été posés. Je souhaite vous entendre sur ce qui doit être fait selon vous ». Elle n’a pas été déçue.
La permanence des soins ne trouve pas grâce aux yeux d’un médecin. « Doit-elle vraiment être assurée par leslibéraux ? Ne pourrait-elle pas se professionnaliser ? ». Un généraliste précise son point de vue : « La régulation, nous sommes d’accord pour la faire jusqu’à minuit, mais nous travaillons déjà de 8 heures à 20 heures, alors l’effection, c’est non ». Élisabeth Hubert annonce qu’un syndicat lui a proposé d’installer des maisons médicales de garde à l’entrée des urgences, « pour les patients qui arrivent sur leurs deux pieds », avec une régulation libérale jusqu’à minuit, et des médecins volants pour assurer les visites de PDS. « Cette organisation vous paraît-elle cohérente ? ». « Oui, si ça décharge les médecins ruraux de la PDS », répond l’un d’eux. « Pas du tout, réplique un autre généraliste, on n’est pas là pour travailler à l’entrée des hôpitaux ». Une femme généraliste rappelle que l’idée a déjà été soumise à l’URCAM de la région Centre il y a dix ans. « On nous l’a refusée, regrette-t-elle ».
« On n’en peut plus des tâches annexes ».
Le défoulement collectif commence. Un kiné prend la parole : « Pour qu’on s’installe en libéral, il faudrait redonner de l’attractivité aux territoires abandonnés par l’État ». Il s’en prend au montant des honoraires : « Certaines professions ont leurs revenus bloqués depuis dix ans. Si les professionnels ne se sentent pas reconnus, les problèmes subsisteront ». « Tout passe par les sous, reprend au vol un généraliste. Trois euros de plus par consultation, et on pourrait embaucher du personnel administratif ». Ce médecin est soutenu par un de ses confrères : « Si on avait les moyens d’embaucher une secrétaire, on pourrait lui confier l’administratif, la coordination et l’éducation thérapeutique. On n’en peut plus, de toutes ces tâches annexes ». Un troisième généraliste apporte de l’eau au moulin : « J’ai pris du personnel parce que je n’y arrivais plus. Mais cela impacte mes revenus d’un bon tiers. Il faut nous augmenter de 50 % ». Un rhumatologue prend le relais : « On ne peut pas passer 45 minutes avec un patient pour 28 euros. L’acte clinique doit être reconnu à sa valeur ». Un chirurgien-dentiste parle de son expérience : « Nous sommes trois dentistes en cabinet de groupe, nous avons 5 assistantes et nous n’arrivons pas à tout faire ».
Le débat glisse sur la formation. « On a besoin de maîtres de stage correctement rémunérés », commence un généraliste. Pour un de ses confrères, « il n’y a pas d’adéquation entre les postes d’internes proposés en médecine générale et le nombre d’internes ». Mais l’idée générale reste que « les études sont trop hospitalo-centrées ».
La liberté d’installation fait encore recette. Un dentiste donne son point de vue, iconoclaste : « Si j’étais ministre, je mettrais en place un système coercitif pour réguler la démographie médicale. Il faudrait revenir sur la liberté d’installation ». Un ange passe dans l’assistance, le temps pour un généraliste de faire une proposition un peu moins rude : « On pourrait déjà dire aux remplaçants qu’ils ne pourront s’installer qu’à la place d’un médecin déjà installé ». La plupart des professionnels jugent que « limiter la liberté d’installation poserait plus de problème que cela n’en résoudrait » ; mais un généraliste estime malgré tout que « le contrat santé solidarité n’est pas une mauvaise idée, même s’il faudrait en supprimer la taxe ». Pour maintenir les médecins installés là où ils exercent encore, un autre praticien juge que l’avenant 20 (qui offre une majoration d’honoraires aux praticiens exerçant en groupe en zone déficitaire) « est une bonne chose, sauf qu’il oblige au regroupement. Si on veut préserver l’existant, il faut qu’il profite aussi aux médecins exerçant seuls ».
Élisabeth Hubert a beaucoup écouté, pris des pages de notes. Elle n’est intervenue que pour recadrer le débat. « Je ne sais pas encore trop ce que je vais retenir », lâche-t-elle prudente. Seule certitude, elle ne rendra son rapport que début octobre, « pour ne pas interférer avec les élections professionnelles de fin septembre ».
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