Après l'annonce du président des « Spé » de la CSMF, le Dr Patrick Gasser, de sa volonté de créer un syndicat unique de médecins spécialistes baptisé « Avenir Spé » – réunissant libéraux et hospitaliers – les 22 « verticalités » de la branche étaient réunies en comité directeur dimanche dernier pour se prononcer sur cette initiative.
Beaucoup voient dans l'initiative syndicale du Dr Gasser une volonté de s'émanciper de la CSMF, jusqu'à la rupture, ce dernier ayant exprimé de vives critiques sur l'incapacité d'une centrale polycatégorielle à bien défendre les intérêts de la médecine spécialisée.
Combien de divisions ?
Mais dimanche, le vote de la branche spé de la CSMF sur la création d'« Avenir Spé » n'a pu avoir lieu, faute d'atteinte du quorum, plusieurs syndicats de verticalités étant absents. Le quorum est fixé aux deux tiers des voix – soit 4 422 voix sur les 6 700 totalisées par toutes les spécialités. Un seuil inaccessible, plusieurs gros syndicats manquant à l'appel (anesthésistes-réanimateurs, radiologues, médecins vasculaires...).
« Certains y verront une tactique particulière de politique politicienne », a réagi le Dr Franck Devulder, président du Syndicat des gastro-entérologues (SYNMAD), dans une lettre diffusée en ligne. Il précise que 70 % des verticalités et 93 % des syndicats départementaux se sont prononcés contre le projet de syndicat unique et ont réaffirmé leur attachement à la CSMF. « Cet engagement des deux tiers des spécialités opposés à la création d'un nouveau syndicat qui diviserait la profession est à confronter aux prises de position des leaders des centrales syndicales mono et polycatégorielles qui, toutes, ont tourné le dos à Avenir Spé », ajoute le Dr Devulder.
Le Syndicat des médecins libéraux (SML) par exemple avait rejeté cette initiative de syndicat unique, estimant que cela serait « une catastrophe majeure pour les spécialistes libéraux, qui entraînerait à terme leur disparition ».
Haro sur la dissidence
De fait, plusieurs verticalités avaient réaffirmé leur attachement à la CSMF avant même le comité directeur de dimanche dernier, récusant toute transformation syndicale à la hussarde.
Le Syndicat des médecins cardiologues libéraux (SNC) a indiqué qu'il ne souhaitait en aucun cas être associé à un collège des salariés des hôpitaux. « Le projet (Avenir Spé) tel qu’il est structuré n’est pas suffisamment fédérateur », tranche le SNC.
Les néphrologues libéraux (SNL) estiment eux aussi que « la pratique médicale libérale se doit d’être défendue de manière globale, et la structuration confédérale de la CSMF y répond parfaitement ». « Toute tentative de dissidence revient à fragmenter la représentation syndicale et affaiblir la puissance du message porté », indique-t-il.
Quant aux ORL (SNORL), ils se disent « inquiets des luttes fratricides actuelles à la CSMF ». « Elles constituent un réel danger pour l’ensemble de notre syndicalisme représentatif déjà bien fragilisé », indique le syndicat.
Rénovation lancée
La maison mère, la CSMF, s'est donc réjouie que les spécialistes « restent » sous sa coupe. « Il faut rassembler médecins spécialistes et généralistes, et non pas diviser. Rassembler les spécialistes n'est pas une mauvaise idée en soi, mais ce n'est pas possible en dehors de la CSMF », martèle le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération.
Chacun admet cependant que le syndicalisme médical devra être « rénové ». « La CSMF est une vieille dame, convient le Dr Ortiz. Je vais lancer un plan de rénovation ce samedi 14 décembre, lors de notre conseil confédéral. La prochaine étape sera l'assemblée générale statutaire en mars 2020, où la nouvelle CSMF prendra corps. »
Le Dr Patrick Gasser, soutenu par le Syndicat des anesthésistes-réanimateurs libéraux (SNARF), assure que son initiative de syndicat unique a été « mal comprise ». « Avenir Spé aurait eu un lien fort avec la CSMF, à qui de nombreuses verticalités appartiennent et auraient continué d'appartenir », explique-t-il. « J'ai fait cette démarche car politiquement, il y a un problème de représentation des spécialistes. Vu les réactions, je pense que je n'ai eu pas tort sur l'analyse, mais plutôt sur la démarche ! Mon propos n'est pas de déstabiliser qui que ce soit, mais de trouver comment mieux défendre les médecins de terrain. On les oublie parfois face aux structures », ajoute le gastroentérologue nantais.
« Nous sommes obligés de changer profondément, je souhaite qu'on reconstruise le syndicalisme. Mais l'inconnu peut faire peur », reconnaît-il. Le Dr Gasser précise qu'il sera présent au conseil confédéral de la CSMF, samedi prochain, « même s'il risque de ne pas passer un bon moment ». « Au fond tout cela n'est que de la politique, c'est le jeu. Peut-être que je tomberai, mais il n'y a pas mort d'homme. »
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