Faut-il remettre en cause la liberté d’installation des médecins libéraux ? Cette question revient régulièrement dans l’actualité avec, à chaque fois, une prise de position assez ferme des syndicats médicaux pour défendre cette liberté considérée par certains comme un fondement de la médecine libérale. C’est donc une position un peu à contre-courant que prend le docteur Éric Perchicot. « Je pense qu’à terme, il sera inévitable de se poser la question d’une certaine forme de régulation à la fois pour définir le nombre de médecins à former mais aussi l’endroit où ils peuvent s’installer. Je le dis avec ma casquette de syndicaliste, qui défend les intérêts des cardiologues libéraux. Mais je pense aussi à l’intérêt général et à l’accès aux soins des patients », précise-t-il.
Plutôt offensive sur le tiers-payant, Marisol Touraine n’affiche pas, pour l’instant, la volonté de remettre en cause la liberté d’installation des médecins libéraux. Elle a défendu des mesures plus incitatives que coercitives pour tenter de régler le problème des déserts médicaux. « La répartition des médecins sur le territoire est un sujet crucial. Nous avons en effet l’obligation en tant que médecins d’accueillir et de prendre en charge de la même manière l’ensemble des patients sur le territoire. Et aujourd’hui cette obligation n’est pas respectée de la même manière selon les départements en raison de l’hétérogénéité de la densité médicale. Il faut avoir le courage de le reconnaître : la liberté d’installation entraîne des variations dans la densité démographique des médecins », indique le Dr Perchicot, en insistant sur la nécessité de mieux répartir l’offre de soins sur le territoire.
La régulation par le numerus clausus est inutile
Le président du SNSMCV estime aussi que les pouvoirs publics vont devoir se poser la question d’une meilleure régulation de l’offre médicale. « Sinon, on va continuer à ouvrir les vannes et à inonder le territoire de jeunes médecins qui, en majorité, iront s’installer dans des zones déjà très dotées », indique le Dr Perchicot en ajoutant que les mesures prises au niveau du numerus clausus ont été un échec. « La régulation par la limitation du nombre d’étudiants formés est inutile puisqu’aujourd’hui 25 à 30 % des médecins qui s’installent en France ont contourné le numerus clausus. Il faut laisser aux jeunes étudiants la liberté de faire des études médicales mais ils devront être conscients que cela ne le leur donnera pas systématiquement la liberté de s’installer où ils veulent. Je suis pour une réflexion sur la régulation territoriale dont je n’ai pas bien sûr aujourd’hui les modalités. On peut cependant imaginer qu’avec l’organisation de la médecine de proximité dans la nouvelle loi de santé, la contractualisation entre les médecins libéraux et les agences régionales pourraient contenir une clause d’intégration de nouveaux médecins. Les outils de pertinence qui vont se mettre en place progressivement, tant en hospitalisation qu’en médecine libérale vont limiter les effets « volume », une plaie pour les budgets de la santé mais une soupape de confort quand le tarif des actes de base est gelé depuis les années. Toutes les parties ont intérêt à mettre en place une organisation beaucoup plus rationnelle et efficiente », indique le Dr Perchicot.
Un risque de paupérisation
Selon lui, « la part globale des honoraires médicaux ne va pas augmenter avec le nombre de médecins. Dans les zones à forte densité médicale, on risque d’assister à une paupérisation de l’exercice. Car je ne vois pas comment, dans une zone où exercent aujourd’hui 10 médecins, on pourra demain en faire vivre 20 ».
Le Dr Éric Perchicot se dit toutefois conscient de la nécessité d’agir avec prudence et en prenant le temps de la réflexion. « Il faut réfléchir à un mode de régulation intelligent qui ne pénalise pas les étudiants en médecine et ne leur donne pas le sentiment d’être pris en traîtres. Il faut qu’on arrive à leur faire comprendre qu’à l’avenir, ils ne connaîtront pas la liberté totale d’installation qui a été celle de leurs confrères plus âgés », indique le Dr Perchicot.
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