Éditorial

Coup de semonce

Par
Publié le 02/12/2022

Certains n'y verront qu'une addition des contraires. D’autres se réjouiront de la convergence des luttes dans le domaine de la santé. Le fait est que cette mobilisation des 1er et 2 décembre présente tous les ingrédients pour enflammer la médecine de ville. Et d’abord parce qu'elle implique beaucoup de monde dans le secteur : partie de coordinations sur les réseaux sociaux, elle est soutenue aujourd’hui par la  (presque) totalité des syndicats de médecins libéraux. Les grincheux feront remarquer que certains sont plus moteurs que d’autres, la mobilisation oscillant entre la fermeture pure et simple des cabinets jeudi et vendredi et un simple soutien sans participation. Reste - c'est ce qui compte — que la grogne est à peu près unanimement partagée, pour la première fois depuis le plan Juppé.

Autre élément frappant dans ce mouvement : la multiplicité des sources de mécontentement. Le C à 50 euros est la plus visible des demandes des protestataires. Une revendication tarifaire qui peut paraître irréaliste, mais en dit long sur l’absence de perspectives financières – pour ne pas dire l’indigence - du cadrage budgétaire des négociations conventionnelles. D’autres motifs s’y agrègent. Comme les risques de remise en cause de la liberté d'installation ou le  flou actuel autour du médecin traitant qui inquiète fort les généralistes, toutes obédiences syndicales confondues. S’exprime ici un problème existentiel : les pouvoirs publics doivent prendre conscience de ce mal-être, qui touche la moitié au moins des praticiens de ville et est ressenti sans doute bien au-delà des frontières – désormais si incertaines - de la médecine de famille. Dans ce contexte, des grognes plus sectorielles se manifestent de surcroît : c’est le cas des biologistes et des radiologues, furieux de faire les frais des mesures d’économies du PLFSS.

Attention, danger ! Cette mobilisation se développe, alors même qu’il y a depuis deux mois du rififi chez les jeunes. Le mouvement des étudiants en médecine est lui aussi très unitaire. Et on aura remarqué que les dernières manifs d’internes ont bénéficié de la participation des syndicats de seniors… Le message a-t-il été compris par les pouvoirs publics ? Du côté du gouvernement, on décèle en tout cas des signes de fébrilité. La ministre, Agnès Firmin Le Bodo, appelant les professionnels en colère à la responsabilité et les mettant en garde contre une supposée impopularité de cette grève, avec le risque pour le corps médical de se fâcher avec l’opinion... L’avenue de Ségur ne doit pas se contenter de faire la leçon aux libéraux. Elle doit aussi prendre comme un signal leur mauvaise humeur. Il faut qu’elle l’intègre dans son logiciel, sous peine de passer, en ce début de quinquennat, à côté d’un malaise croissant. Après les Gilets jaunes, les blouses blanches ? Pour sa part, « Le Quotidien » suivra, comme il se doit, l’évolution du dossier. Et déjà, nous invitons nos lecteurs à un dialogue inédit avec l’homme fort de l’Assurance-maladie, à l’occasion d’un live chat exceptionnel auquel participera jeudi prochain Thomas Fatôme, en direct de la Cnam.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin