Depuis des jours, on leur annonce un raz de marée de patients contaminés Covid-19, en ville comme à l’hôpital. Comment les médecins vivent-ils cette crise sanitaire inédite, eux qui sont en première ligne et qui exposent leur propre santé (et celle de leurs proches) pour venir en aide à la population ? « Le Quotidien » a sondé en ligne la profession. Plus d’une centaine de témoignages nous sont parvenus en commentaires des articles publiés sur le coronavirus.
Qu’est-ce qui en ressort ? D’abord que la profession est très en colère. Les médecins sont nombreux à partager ce sentiment et à mettre en cause la responsabilité du gouvernement dans la pénurie de masques de protection.
« Les scandales s’accumulent »
« C’est une honte ! À un moment donné, il y a des limites à tout ! s’insurge Blanc Bonnet. Lamentable gestion du ministère de la Santé et de l’État en général : le manque de masques depuis le début de cette épidémie va être lourd de conséquences en victimes […]. »
« Les scandales s'accumulent et viennent gonfler le ras-le-bol du corps médical, qui travaille sans protection efficace, au risque de leur santé, pour certains de leur vie, et de celles de leur famille », ajoute Philippe L.
Certains praticiens demandent des comptes à l’exécutif dans la lignée d’un collectif de libéraux qui vient de porter plainte contre l’ex-ministre de la Santé, Agnès Buzyn et contre le premier ministre, Édouard Philippe : « J'espère que les Ordres et les syndicats, une fois l'épidémie passée, demanderont des comptes à nos dirigeants. Merci M. Macron mais je ne suis pas un héros, je veux juste pouvoir me protéger et protéger ma famille avec des masques adaptés », résume Pierre C.
« Je reconnais que j’ai peur »
Certains médecins exercent sur le fil du rasoir comme Sylvie C. qui témoigne de sa situation : « Je reconnais que j'ai peur. Pas pour moi, mais pour mon fils qui est en chimiothérapie. Peur de ramener le virus à la maison. Je fais très attention. J’utilise des litres de gel. Je ne touche plus mes patients. Téléphone, téléconsultation, mail… Tout y passe. Ma salle d’attente est quasiment vide. Et là, j’ai peur de passer à côté d’autres diagnostics en ne voyant pas mes patients. Vivement que ça finisse ! »
Si certains évoquent la nécessité de fermer leur cabinet pour protéger leurs patients lorsqu’ils estiment que leur sécurité n’est plus assurée, d’autres se disent prêts à continuer par devoir. « Choisir entre soigner, rassurer les patients et s'exposer outrageusement au risque de contamination par manque de moyens de protection, le choix est fait : nous soignons, c’est notre éthique », écrit Peter P.
Système D
Mais les conditions d’exercice sont parfois rocambolesques. Décontamination du cabinet, problème de garde des enfants, manque de protection, gestion du flux de patients sans salle d’attente… Les difficultés ne manquent pas pour faire tourner le cabinet.
Pour y parvenir, les médecins ont recours au système D et n’hésitent pas à bousculer leurs habitudes. Comme ce praticien qui raconte une journée de consultations et à qui il arrive de consulter… par la fenêtre de son cabinet.
Face à la pénurie de masques, les recettes de recyclage et de reconditionnement des masques affluent ! Stockage dans une boîte fermée sèche avec dessiccant pendant six jours, passage au four à 150 degrés pendant une ou deux heures, « cycle de décontamination » (15 minutes dans le Steranios, 15 minutes de rinçage à l'eau, 15 minutes dans l'alcool 70 degrés, égouttage, et enfin un cycle de machine à 95 degrés)… Les suggestions ne manquent pas.
Les soignants devront en tout cas faire preuve d’inventivité et de résistance, alors que l’épidémie doit encore durer plusieurs semaines.
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