Les médecins de l’Établissement public de santé mentale départemental (EPSMD) de l’Aisne, situé à Prémontré, ont décidé de faire grève ce mercredi 29 avril, reconductible le 30 avril, pour protester contre le départ imminent de trois confrères à diplôme étranger hors Union européenne (PADHUE). Ils se rassembleront dans la cour d’honneur de l’ancienne abbaye de 9 heures à 17 heures.
L’avenir d’une psychiatre vietnamienne inquiète particulièrement le corps médical, soutenu par l’ensemble des soignants. Si aucune dérogation n’est accordée par la préfecture, ce médecin devra quitter le territoire français le 2 mai, son titre de séjour n’ayant pas été renouvelé. Cette psychiatre est connue depuis plusieurs années par les médecins de l’EPSMD. À la fin de ses études de médecine au CHU de Grenoble, elle y a travaillé en tant que faisant fonction d’interne (FFI) puis praticienne attachée associée dans un pôle de pédopsychiatrie.
« Elle porte une partie de la pédopsychiatrie. Si elle part, nous devrons fermer l’unité, tandis que les deux autres unités infanto-juvéniles risquent de tourner au ralenti », craint le Dr Dominique Huyghe, président de la CME de l’EPSMD.
Deux autres PADHUE sont menacés en août et novembre. Tous ont déjà tenté de décrocher la procédure d’autorisation d’exercice (PAE), le sésame qui leur permettrait d’exercer en France. « Ils ont trois tentatives, mais les postes sont rares en psychiatrie. Encore faut-il qu’ils aient le temps de repasser la PAE ! », explique le Dr Huyghe.
« Nous espérons que le directeur interviendra au niveau de l’agence régionale de santé (ARS) de Picardie, pour qu’elle intervienne à son tour auprès de la préfecture », poursuit le président de la CME.
Contacté par le « Quotidien », le tout nouveau directeur de l’EPSM François Chapuis, assure « avoir pris contact avec l’ARS et la préfecture ». « Je ne peux pas forcer la main de la préfecture », explique-t-il.
Difficultés de recrutement
La mobilisation générale de Prémontré pour ces PADHUE s’explique par le contexte très difficile dans lequel est plongé l’établissement depuis plusieurs années.
« Nous sommes une quarantaine de médecins pour plus de 800 lits. Il manque 17 équivalents temps plein (ETP). On n’arrive pas à embaucher des psychiatres, les départs à la retraite ne sont pas remplacés » constate le Dr Badia Marteau, chef du pôle. « Nous avons de réelles difficultés pour recruter des praticiens. Le dernier candidat que j’ai vu la semaine dernière a préféré Paris », confirme le directeur François Chapuis. En cause : la crise démographique qui touche la psychiatrie, mais aussi l’emplacement du centre de l’EPSM, Prémontré, enclavé dans la forêt de Saint-Gobain, dans une région de passage entre Lille et Paris.
« Si ces trois médecins à diplôme étranger partent, d’autres s’en iront aussi. Il y a déjà eu trois départs en retraite ces derniers mois. Nous travaillons à flux tendus, tous les lits sont occupés, nous sommes obligés de faire des sorties prématurées pour accueillir les admissions » explique le Dr Marteau, décrivant un malaise social général.
Du côté du personnel soignant, il y a eu depuis 2013 une cinquantaine de départs et un gel des postes. Une réorganisation menée courant 2014 (impliquant une centralisation des moyens des sites départementaux au sein de Prémontré intra-muros et un redéploiement interne du personnel médical), n’a pas apaisé la situation. Médecins et personnel ont déjà mené plusieurs grèves, notamment des instances (CME, directoire), pour dénoncer les restrictions budgétaires.
De nouvelles restructurations prévues
L’EPSM souffre en outre d’un déficit budgétaire, ramené à 2,4 millions d’euros aujourd’hui, contre 5 millions d’euros après un plan de retour à l’équilibre mené par l’ancienne directrice Catherine Lamballais, partie à la retraite en début d’année.
« Il faut aller plus loin dans les efforts sinon le déficit persistera », prévient François Chapuis. « Il n’y a plus de gel systématique des embauches, mais il faut tout remettre à plat. Nous devons mener une restructuration à l’intérieur des pôles ou un rapprochement des pôles. On ne touchera pas aux postes des médecins : je fais mon maximum pour recruter des seniors » annonce-t-il.
Contactée par le « Quotidien », l’ARS de Picardie n’a pas donné suite à notre appel.
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