L'aventure a commencé en 2016 après l'adoption de la loi Touraine créant (sur le papier) les équipes de soins primaires (ESP), constituées autour de généralistes de premier recours. À l’époque déjà, Thierry Pêchey, infirmier libéral à Essey-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle) depuis une trentaine d'années, et responsable régional du syndicat Convergence infirmière, s'était intéressé à cette organisation coordonnée.
Avec d'autres infirmiers, sensibilisés au travail pluripro, il prend l'initiative, il y a trois ans, de mobiliser la cinquantaine de professionnels du secteur. Après de « multiples réunions », confie-t-il, l'équipe de soins primaires (ESP) voit le jour en 2018 autour de seize membres fondateurs – dont cinq médecins généralistes, cinq infirmiers, deux pédicures podologues, deux pharmaciens et deux kinés. « Le concept d'ESP nous a plu tout de suite car il était beaucoup plus souple que les maisons de santé pluriprofessionnelles par exemple », raconte Thierry Pêchey. Une aide « FIR » de l'agence régionale de santé (ARS) de 10 000 euros permet de lancer le projet.
Pas besoin d'une SISA
Réunis au sein d'une association loi 1901, les membres de l'ESP ne sont pas obligés de travailler ensemble dans un local physique. « Le fonctionnement est simple, avec un président, un secrétaire et un trésorier, poursuit l'infirmier. Il n'y a pas besoin de fonds d'investissement ou de SISA (société interprofessionnelle de soins ambulatoires) à créer. Cette organisation nous permet de formaliser un mode de fonctionnement et de coordination qui existe déjà entre nous », notamment autour de patients chroniques.
Pour échanger de façon sécurisée autour d'un patient, l'ESP a choisi une appli web nommée Léo (Lien-échange-organisation). « Le médecin peut déclencher une téléconsultation, selon le degré d'urgence. L'infirmier à domicile peut le renseigner en prenant les constantes et le médecin peut décider ensuite de faire une prescription ou d'appeler SOS médecins », dit-il.
Au déclenchement de la crise sanitaire, cette ESP a pris tout son sens et son envol. Elle s'est d’abord mobilisée pour trouver du matériel de protection manquant – masques, blouses, gels hydroalcooliques… – en faisant appel aux dons. Puis, en décembre 2020, elle a organisé des réunions avec l'ARS Grand Est, les Ordres concernés (médecins et infirmiers) et la caisse primaire afin de créer un centre de vaccination dans la commune de Saint-Max. « On nous avait d'abord signifié que ce n'était pas possible ! Alors nous avons fait du bruit pour montrer que nous, professionnels de ville, étions capables de nous organiser pour vacciner », raconte Thierry Pêchey. Et l'ESP a eu gain de cause.
Rompre l'isolement
Depuis mi-janvier, s'appuyant sur la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), l'équipe s'est installée dans le centre culturel de Saint-Max pour vacciner les habitants de la métropole, et même au-delà grâce à la coordination de 100 libéraux : 50 infirmiers et 50 médecins ! Le centre effectue 150 vaccinations par jour mais « nous pourrions aller jusqu'à 500 facilement, si nous avions des doses », précise l'infirmier.
Pour Thierry Pêchey, le recrutement des « vaccinateurs » n'a pas posé de difficulté. « Tout le monde veut y participer et la crise a montré une grande confiance au sein du binôme médecin/infirmier. C'est très gratifiant pour nous, infirmiers », explique-t-il.
Installée depuis 1990 à Saint-Max, le Dr Marie-José Bontemps a été la première volontaire. Exerçant dans un cabinet isolé, la généraliste a toujours voulu intégrer une maison de santé mais « cela ne s'était pas fait ». En adhérant à l'ESP, elle se réjouit des échanges nourris entre médecins, infirmiers et pharmaciens. « Je sors de mon isolement, raconte-t-elle. Je découvre la façon dont fonctionnent les autres et cela facilite notre travail. » Le Dr Antonin Mansuy, généraliste à Essey-lès-Nancy, lui aussi membre de l'ESP, abonde en ce sens. « Grâce au Covid, la relation de confiance entre les professionnels est établie. Quand il faudra se mobiliser sur d'autres projets, ce sera possible », affirme-t-il.
Et l'ESP ne manque pas d'idées. Déjà, pour les habitants qui ne peuvent pas se déplacer au centre de vaccination, elle a mis en place l'opération « Aller vers » qui consiste à créer des centres éphémères au pied des immeubles ou à organiser des équipes mobiles médecins/infirmiers pour vacciner à domicile. Aujourd'hui, l'équipe de soins primaires a déjà doublé et compte 35 membres…
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