« IMPOSSIBLE VENIR. Plus de maison, plus de voiture, plus de téléphone. » Signé Dr Lapègue. C’est par ce texto laconique que ce généraliste a annoncé à son associée, le Dr Françoise Rawlingson-Neau, qui exerce sur l’île d’Oléron, au Château d’Oléron, qu’il ne fallait pas compter sur lui lundi. « Nous sommes prêts à l’héberger, commente celle-ci. Il faut s’entraider. Ici, c’est ce que tout le monde fait. Comme on nous annonce encore de très forts coefficients de marée, chacun s’affaire et tente de surélever tout ce qu’il peut, en prévision du pire. Pour le moment donc, la logistique prime. C’est la suite qui nous inquiète. Elle est d’autant plus préoccupante que les Oléronais ont un mental très insulaire : ils ne communiquent guère, affichent un calme apparent mais peuvent passer à l’acte avec des raptus qui sont plus fréquents que sur le continent. À nous d’être plus particulièrement vigilants. »
« C’est vrai, des personnes âgées peuvent décompenser d’une manière dramatique, confirme le Dr Gérard Cornu, généraliste à L’Aiguillon, adjoint au maire de la petite localité martyr de Vendée et médecin des pompiers. À ce dernier titre, c’est lui qui a pris en charge les premiers réfugiés dans la salle omnisports de la ville. Les gens étaient restés plusieurs heures sur les toits, raconte-t-il, ils présentaient des hypothermies, des douleurs musculo-squelettiques, des hématomes des membres inférieurs. J’en ai orienté plusieurs vers l’hôpital de Luçon. Dans les quatre ou cinq jours qui viennent, je suis surtout préoccupé pour les personnes dépendantes ou des patients cancéreux qui ne pourront pas être maintenus à domicile, alors que les ADMR sont surbookées. »
Dépression post-critique.
« Je viens de passer du temps avec une famille de Boyardville, témoigne le Dr Sylvie Gremillon, de Cheray (Île d’Oléron) ; ses membres sont en pleine dépression post-critique ; la grand mère a péri noyée dans une maison voisine de celle où ils s’étaient réfugiés, et ils n’ont pu lui porter assistance, ne voulant pas abandonner leurs enfants en bas âge. Avec des patients victimes d’un tel stress post-traumatique, il faut surtout écouter, quitte à les diriger vers la cellule médico-psychologique et à leur prescrire quelques légers anxiolytiques. »
« Les gens sont en pleine détresse, constate aussi le Dr Alain-François Jourde, généraliste à Saint-Trojan les bains. Ils n’ont pas forcément été atteints dans leur personne ou dans leurs biens, mais c’est ce spectacle de désolation générale qui les anéantit, avec toutes ses conséquences dans leur vie, observe-t-il. Avec son épouse, le praticien a remis en état comme il a pu son cabinet, très abîmé par les eaux. En dix minutes, elles sont montées d’un mètre à l’intérieur de la salle d’attente et de la salle d’examen. Privé d’électricité et de chauffage, il consulte avec 12 degrés au thermomètre, pataugeant dans la gadoue. Nous sommes fatigués d’avoir épongé toute la nuit, confie-t-il. Nous sommes comme nos patients, pas mieux lotis, avec eux. Dans la même galère. »
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