L'Ordre national des médecins s'apprête à dévoiler sa nouvelle cartographie interactive sur la démographie médicale, consultable en ligne. Il sera désormais possible pour tous les acteurs du système de santé, élus ou usagers, de visualiser automatiquement, année après année, le nombre de praticiens selon plusieurs critères : spécialité, mode d'exercice, sexe, origine du diplôme, commune, bassin de vie, département ou région.
« On manquait d'outils d'évaluation très fine, souligne le Dr Jean-Marcel Mourgues, conseiller national de l'Ordre, président de la section « santé publique et démographie médicale ». Si on en reste à l'échelle d'une région ou même d'un département, les chiffres peuvent être faussement rassurants. C'est au niveau des territoires qu'apparaissent des contrastes qui peuvent être inquiétants ».
Cette cartographie complète, que « le Quotidien » a pu consulter, propose un focus sur l'origine des diplômes des praticiens exerçant sur le territoire national (depuis 2010). Ce travail de bénédictin donne une indication précise sur l'évolution de la répartition territoriale des médecins disposant d'un diplôme obtenu en France, au sein de l'Union européenne ou à l'étranger hors UE.
21 % des nouveaux inscrits ont un diplôme étranger
Au 1er janvier 2017 (tableau ci-dessous), la France comptait – hors médecins remplaçants et retraités, toutes spécialités confondues – 174 146 praticiens en activité régulière à diplôme français (soit 88,5 % des effectifs médicaux totaux), à quoi il faut ajouter 10 031 praticiens à diplôme obtenu au sein de l'Union européenne (5,1 %) et 12 545 praticiens à diplôme étranger hors UE (6,4 %). En 2010, la répartition était sensiblement différente : on recensait alors 182 405 médecins à diplôme français (92,6 % des effectifs totaux), 8 416 médecins diplômés dans l'UE (4,3 %) et seulement 6 179 praticiens ayant obtenu leur diplôme hors UE (3,1 %).
La démonstration issue de ces données est claire : si le nombre de praticiens à diplôme français a chuté de 8 259 sur la période 2010/2017, cette perte de professionnels a été presque totalement compensée par l'apport symétrique des médecins à diplôme européen (+1 615) et surtout à diplôme étranger hors UE (+ 6 366). Au total, la population médicale globale est restée stable, ce qui a permis d'amortir le choc de la désertification (dans un contexte de demande croissante de soins) .
Ouverture des frontières
Toutefois, si le nombre de médecins à diplôme étranger a bondi entre 2010 et 2017, ce flux se réduit désormais. « Le nombre des nouveaux arrivants baisse d'environ 1 % par an, précise le Dr Mourgues. Pour 2016, 21 % des nouveaux médecins inscrits au tableau avaient un diplôme étranger, à peu près également répartis entre diplôme européen et hors UE ». Le praticien explique que « les vannes se sont ouvertes brutalement dans certains pays lors de leur adhésion à l'UE ou de l'ouverture de leurs frontières. Aujourd'hui, les choses se tassent un peu ».
L'analyse régionale est également très parlante. L'Ile-de-France, qui comptait 38 780 médecins à diplôme français en 2010 n'en comptait plus que 34 692 au 1er janvier 2017. Mais, sur la même période, la région francilienne a accueilli près de 3 000 médecins à diplôme étranger supplémentaires… La région Centre-Val-de-Loire a plus que triplé ses effectifs de praticiens étrangers (de 199 à 636), la région Auvergne/Rhône-Alpes les a quasiment doublés… À l’inverse, la Bretagne ne fait guère recette. Au 1er janvier de cette année, elle hébergeait 8 688 médecins diplômés en France (94 % des effectifs médicaux de la région) mais uniquement 292 diplômés dans l'UE et 284 diplômés hors UE (3 % chacun).
Portraits types
L'Ordre distingue trois catégories de praticiens à diplôme étranger. La première concerne les médecins généralistes libéraux « souvent amenés par des chasseurs de têtes, et qui ne restent pas toujours sur le lieu de leur première implantation », précise le Dr Mourgues. La deuxième porte sur les spécialistes libéraux – ophtalmologues, ORL, etc. – , « davantage ancrés sur leur lieu d'implantation », sans doute en raison d'une démographie en berne. Enfin, les hospitaliers « bénéficient dans les établissements d'un environnement plus collectif qui fait que leur intégration se passe en général plutôt bien ».
Le renfort significatif des praticiens à diplôme étranger ces dernières années mais aussi le fait que 12 000 médecins libéraux cumulent aujourd'hui emploi et retraite sont deux facteurs qui tendent à corriger les prévisions initiales en matière de démographie médicale.
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