C’EST UNE AUDIENCE « purement formelle » qui devrait se tenir aujourd’hui au TGI de Béthune, selon Me Vincent Potié, l’avocat d’un des 2 médecins mis en cause. Les professionnels sont cités à comparaître pour atteinte à l’intégrité d’un cadavre, passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, et de violation de sépulture, chef d’accusation pour lequel ils pourraient écoper de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Mais ce jour, le tribunal devrait uniquement fixer le calendrier des audiences et statuer sur le montant de la consignation que devra verser le plaignant dans le cadre de la procédure de citation directe. Un plaignant, Hervé Louvrié, qui tente tout depuis avril 2008 pour porter l’affaire au pénal et faire reconnaître la faute des médecins légistes.
En avril 2008, M. Louvrié, dont le corps de l’épouse suicidée n’avait pas été recousu après l’autopsie médico-légale, dépose en effet une première plainte pour atteinte à l’intégrité du cadavre. L’enquête judiciaire constate les faits, mais l’affaire est classée sans suite. « Il n’y avait pas de qualification pénale », affirme au « Quotidien » la procureure de la République du tribunal de Béthune, Brigitte Lamy : « D’une part, il s’agit d’une omission, et non d’un acte positif, d’autre part, le cas doit être replacé dans son cadre légal, c’est-à-dire, celui de l’autopsie. » L’Institut médico-légal de Lens est néanmoins fermé cinq mois plus tard.
Hervé Louvrié ne baisse pas les bras. Et les voix de plusieurs autres familles, qui n’ont pas revu leurs défunts proches après l’autopsie, se joignent à la sienne pour dénoncer les traitements réservés aux cadavres. Anita Gilliot, dont le fils a été autopsié à Lens, croit ainsi savoir d’un thanatopracteur que les « corps étaient dépecés comme des lapins » et que « dans 90 % des cas, c’était un carnage total ».
L’affaire repart donc de plus belle en janvier 2011, lorsque les familles contactent un avocat d’Issy-les-Moulineaux, Me Philippe Missamou, pour les défendre. Celui-ci, redoutant la fin du délai de prescription (de trois ans), dépose en juillet, au nom d’une vingtaine de familles, une assignation en responsabilité contre le ministre de la justice devant le tribunal de grande instance de Paris. « Les médecins légistes sont missionnés par le procureur de la République, qui lui-même dépend du ministère de la Justice. Leurs agissements ne sont donc pas détachables de ce ministère », explique l’avocat au « Quotidien ». « Et les familles souhaitentque l’on reconnaisse que des fautes ont été commises par des agents de l’État », poursuit-il. Chacune demande une indemnisation de 150 000 euros. « À ce jour, la procédure est en cours, nous attendons la date de la première audience devant la 1re chambre civile du TGI de Paris », précise Me Missamou.
Scandale ou ballon de baudruche ?
L’avocat ne se contente pas de cette assignation. Parallèlement, il requiert du parquet de Béthune l’autorisation d’exhumer 10 corps. Selon lui, les cercueils scellés avaient été restitués aux familles sans qu’elles aient pu voir les dépouilles de leurs proches. « On leur a dit que c’était les corps de leurs parents décédés. Or il y a eu des témoignages de certains membres du personnel, qui se sont confiés aux familles, qui pensent que les cercueils qui ont été remis ne comportent pas les corps de leurs parents. Il aurait pu y avoir des inversions, il y a beaucoup de choses inavouées. Les familles commencent même à se dire peut-être qu’il y a eu certaines pratiques illicites. »
Mais la demande d’exhumation reste lettre morte, le parquet estimant que les conditions n’étaient pas réunies, en l’absence de qualification pénale.
La procédure en citation directe est une dernière tentative pour porter l’affaire au pénal et réouvrir le dossier, « une boîte de Pandore où l’on va découvrir les choses les plus inimaginables, des pratiques frauduleuses, et illégales », affirme Me Missamou. Il entend même ajouter un 3e chef d’inculpation, pour violences ayant entraîné des mutilations ou infirmités permanentes de la personne, pour lequel l’ensemble des familles se portera partie civile par voie d’action. Une façon de dépasser le strict cas de l’affaire Louvrié et de faire le procès de l’ensemble de l’institut médico-légal. « On se demande pourquoi les corps ont été découpés de façon si morcellaire ! Pourquoi des têtes ont-elles été tranchées, des bras sectionnés ? Pourquoi a-t-on enlevé la peau de certains corps ! Les thanatopracteurs vont témoigner ! »
« Cette affaire n’a aucune possibilité d’aboutir. La voie pénale, c’est une tentative de faire du buzz mais juridiquement, cela ne tient pas la route ! », tranche de son côté Me Vincent Potié, l’avocat du médecin. La citation directe ne pourra jamais, selon lui, dépasser le cas Louvrié, car la responsabilité des médecins ne sera examinée que sur un unique fait. Et fort du premier classement sans suite en 2010, il demeure très serein quand aux conséquences pour son client.
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique