Arrivé loin derrière François Fillon (44 %) au premier tour la primaire de la droite et du centre, Alain Juppé (28,6 %) a décidé de « continuer le combat », « projet contre projet », pour emporter la décision. Le maire de Bordeaux veut mener des « réformes crédibles » pour l'emploi, l'éducation et la protection de la santé.
François Fillon, 62 ans, et Alain Juppé, 71 ans, affichent des ambitions similaires pour la médecine libérale. Ils plébiscitent le médecin traitant, veulent supprimer le tiers payant généralisé et sanctuariser la liberté d'installation. Les deux anciens chefs du gouvernement ont en revanche une approche sensiblement différente des réformes à conduire pour réorganiser l'hôpital public mais aussi pour piloter les comptes sociaux, François Fillon étant partisan de la « règle d'or » à l'horizon 2022.
Pas de grand soir hospitalier pour Juppé
François Fillon projette de réduire de 500 000 le nombre des fonctionnaires (combien à l'hôpital ?), de « rationaliser » la carte hospitalière et de revenir aux 39 heures de travail. Plus nuancé, Alain Juppé propose l'autonomisation budgétaire progressive des établissements, un ajustement de la T2A, la fin du « dogme » des 35 heures par la négociation et se dit prêt à inclure les cliniques dans le service public hospitalier. Pour lui, pas question « d'un grand soir bureaucratique d’une énième réforme hospitalière ».
Le résultat de François Fillon a surpris jusqu'à ses plus proches soutiens. « Je ne m'attendais pas à un score aussi extraordinaire, admet le Dr Alain Milon, sénateur du Vaucluse, qui a pris une part active à la rédaction de son programme santé. François Fillon est constant dans son discours, les gens ont été sensibles à ce discours de vérité. »
Le député de Paris a marqué des points chez les médecins, grâce à son coup d'éclat lors du dernier débat télévisé, en exigeant d'aborder les thématiques de santé. « Il a montré de manière claire toute l'importance qu'il accorde aux questions de santé », veut croire le Dr Bernard Accoyer, ex-président de l'Assemblée nationale et soutien du Sarthois. François Fillon a une vision très claire de la situation dans laquelle se trouvent les médecins, et de la tension aggravée par le tiers payant généralisé. »
Fillon cohérent, Juppé à l'écoute
À en croire les réactions des médecins internautes sur www.lequotidiendumedecin.fr, le positionnement tranché de Fillon a fonctionné. « Il est plus cohérent, moins démagogue », écrit un lecteur. Alain Juppé, qui a pourtant fait son mea culpa, se voit encore reprocher la maîtrise comptable inscrite dans ses ordonnances vieilles de vingt ans.
Mais le maire de Bordeaux séduit également de nombreux médecins qui le créditent d'une capacité à réformer sans brutaliser. Il dispose d'un comité de soutien de médecins né sur Facebook il y a un an et demi, qui revendique plus de 300 adhérents, généralistes, spécialistes et praticiens hospitaliers… À sa tête, le Dr Christophe Henry, 55 ans, ORL à Vannes, non encarté, a été convaincu par la personnalité et le programme d'Alain Juppé. Selon ce praticien, l'énarque est bien plus à l'écoute des médecins et ses propositions sont « plus modérées » que celles de « l'ultralibéral Fillon ». « Fillon, c'est Sarko sans les casseroles », résume le Dr Henry.
Responsable du projet santé d’Alain Juppé, le Dr Jean Leonetti, député des Alpes-Maritimes, dénonce la proposition de François Fillon d'introduire une « franchise médicale universelle », qui augmenterait selon lui le reste à charge des Français. Autre clivageI : Juppé veut réformer l’aide médicale d'État (AME) et la réserver aux cas graves et contagieux tandis que Fillon veut la supprimer. « Fillon veut renverser la table, estime le Dr Leonetti. Son projet plus libéral est inapplicable pour des professions déjà en souffrance ».
L'issue de la primaire intéresse en tout cas les médecins libéraux, réputés à droite. Elle est aussi suivie avec attention à gauche. « Si François Fillon l'emporte, il lui sera compliqué de supprimer le tiers payant et l'ISF, deux mesures très populaires, prédit le Dr Claude Pigement, ex-responsable santé du PS. Pas sûr qu'il aille au bout de sa démarche. »
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