Ces derniers jours, les nouveaux accès directs envisagés pour les orthoptistes, kinés ou orthophonistes ont relancé avec vigueur la polémique. C'est un constat qui pourtant désole le patron de l’Assurance-maladie : Thomas Fatôme (qui sera l'invité de notre Live chat mercredi midi) s'étonnant souvent devant les médecins libéraux de leur frilosité face aux délégations de tâches. De fait, les transferts de compétence ont pris depuis 2017 un tour jamais observé jusque-là, malgré l’hostilité de beaucoup de médecins, qui, en ville, se sentent dépouillés des fondamentaux de leur métier : prescription, vaccination, diagnostic, voire auscultation… Est-ce le signe que le « lobby » de la médecine libérale n’est plus ce qu’il était ? Ou bien faut-il expliquer le volontarisme des pouvoirs publics par la pénurie de praticiens ? Cette dynamique paraît en tout cas pouvoir transformer en profondeur la médecine ambulatoire.
Pour le meilleur ou pour le pire ? La triple enquête lecteurs que « Le Quotidien du Médecin » a diligentée avec « Le Quotidien du Pharmacien » et « Infirmiers.com » est de ce point de vue riche d’enseignements : avec des prescripteurs ulcérés et des officinaux et infirmières qu'enthousiasment ces glissements de terrain. Même si cet état de fait n’est pas en soi une surprise, l’ampleur des oppositions côté médecins a de quoi interpeller. Ils sont même un certain nombre, dans les commentaires qui ont accompagné leurs réponses, à annoncer rien moins que la mort de la médecine générale. Beaucoup s’inquiètent aussi des incidences en matière de responsabilité ou de qualité des soins. Et la rancœur vis-à-vis des politiques, mais aussi des syndicats, n’est pas feinte, avec parfois un sentiment de trahison. Même si la crise du Covid a déjà modifié les polarités entre les uns et les autres – tous en sont bien conscients — le corps médical libéral ne se montre à l’évidence pas enclin à consentir à de nouvelles dépossessions.
Pourquoi tant de méfiance ? Les verbatim reçus par notre journal apportent une partie de la réponse. Certains praticiens ont l’impression que tout leur échappe. Or ils voudraient garder la main sur les délégations de tâches. Si des garanties leur étaient proposées, si des protocoles venaient encadrer le processus et si de vraies négociations étaient organisées avec les professions prescrites, gageons que la profession se montrerait moins rétive. Enfin, il ne faut pas faire l’impasse sur la question des rémunérations. Clairement, les praticiens attendent d’avantage de contreparties sur les actes lourds qui leur resteront à l'issue de ce remembrement sanitaire. La question mérite mieux que des discussions en catimini. L’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) pourrait être le cadre idéal pour aborder ces questions. Mais pour l’heure, ces pourparlers demeurent, de fait, centrés sur les équipes de soins.
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