Alors que débute un nouveau round de négociations conventionnelles, la direction de la CNAM jette deux pavés dans la mare de la médecine de ville. Dans son rapport sur l’évolution des « charges et produits » pour 2010 (1), qui vise à économiser deux milliards d’euros, la direction de l’assurance-maladie préconise deux évolutions qui pourraient avoir des répercussions majeures sur l’exercice libéral.
La CNAM suggère d’abord de rénover le contrat de rémunération avec les prescripteurs libéraux suivant un schéma en trois niveaux : des forfaits récompensant des engagements de service tels que la prise ne charge des pathologies chroniques, la permanence des soins, le regroupement ou le développement des outils informatique ; un niveau « central » de paiement à l’acte (avec des tarifs favorisant la pratique clinique) ; enfin, un palier de rémunération « à la performance » honorant l’atteinte d’objectifs de santé publique et d’efficience.
Certes la caisse ne précise pas ses intentions quant à la part de chaque mode de rémunération dans les revenus des médecins mais la tendance est claire : cette diversification signerait la fin du règne presque sans partage du paiement à l’acte. Aujourd’hui, la rémunération à l’acte représente encore 94 % des honoraires des omnipraticiens dont 83 % de consultations et visites (C+V), 6 % d’actes techniques et 5 % de frais et majorations de déplacement. Les forfaits ne représentent « que » 6 % des revenus généralistes mais la proportion est en augmentation depuis 2005 du fait de la rémunération médecin traitant liée aux patients en ALD et des astreintes PDS. Si l’on examine la totalité des médecins libéraux, la part forfaitaire des honoraires chute à 3 %... Ces rémunérations forfaitaires se composent principalement de la rémunération médecin traitant, de celle liée à la PDS, des aides à la télétransmission, des contrats de bonne pratique, et de l’aide au paiement de responsabilité civile.
La révolution du CAPI.
Pour la caisse, cette évolution vers trois types de rémunération répond à plusieurs objectifs.
Il s’agit d’abord d’accompagner la diffusion à grande échelle du nouveau contrat d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) , dispositif qui consiste à rémunérer les médecins traitants « au mérite » suivant l’atteinte d’objectifs précis en matière de prévention, de suivi des maladies chroniques (diabète et hypertension artérielle) et d’optimisation des prescriptions. Plus de 5 000 CAPI ont été signés depuis avril, affirme la CNAM. Et la caisse ne s’en cache pas : l’objectif est d’intégrer le CAPI à la nouvelle convention (aujourd’hui aucun syndicat ne soutient ce contrat) avant « extension » et « généralisation ». Dans cette hypothèse, la part de rémunération à la performance ne pourrait que progresser. Au détriment de la hausse du C ? La question mérite au moins d’être posée.
Le nouveau schéma de rémunération préconisé par la CNAM a d’autres ambitions. La diversification doit favoriser la réorganisation de la médecine de ville : exercice regroupé, coopération accrue des équipes ambulatoires, partage systématique de l’information, prise ne charge pluridisciplinaire des patients chroniques, partage des tâches et développement de nouveaux métiers. Des évolutions souhaitées par les jeunes médecins mais qui semblent peu compatibles avec le seul paiement à l’acte.
Deuxième proposition qui décoiffe : plafonner la prise en charge par l’assurance-maladie des cotisations sociales des médecins de secteur I. Les revenus au-dessus du seuil de 100 000 euros seraient exclus de l’assiette de prise en charge des cotisations maladie. Reste que les avantages sociaux pour les médecins de secteur I en contrepartie du respect tarifs opposables fondent le contrat conventionnel. Une remise en cause, fût-elle très partielle, des garanties sociales attachées au secteur I ne serait pas anodine. Car on peut imaginer que ce seuil élevé de 100 000 euros (plus de deux fois le revenu moyen des omnipraticiens) soit progressivement abaissé. Au risque de renforcer l’attrait pour le secteur II...un beau paradoxe pour une mesure suggérée par la CNAM.
(1) Le rapport, qui a reçu un avis favorable du conseil de la CNAM le 9 juillet, peut être consulté sur www.quotimed.com (rubrique documents).
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