ENVOYÉE par mail à quelques confrères, sa « lettre ouverte » au président de la République s’est démultipliée sur la toile à la vitesse d’un cheval au galop. Nicolas Sarkozy, lui, doit en avoir reçu un exemplaire la semaine dernière : le Dr Christian Sadek, généraliste à Cazals, dans le Lot, le lui a envoyé en recommandé avec accusé de réception, assorti d’un... croc de boucher (clin d’il à la promesse du chef de l’État de pendre à un tel ustensile l’instigateur de ses malheurs dans l’affaire Clearstream). « Celui que je lui ai fait parvenir est un petit croc de boucher, 15-18 centimètres, pas plus », minimise le Dr Sadek.
Si le Dr Sadek a soudain ressenti la nécessité de s’adresser au chef de l’État, ce n’est pas pour défendre le C à 23 euros ni pour s’alarmer des conditions d’exercice de la médecine rurale. Il l’a fait pour s’indigner des « injustices », explique-t-il au « Quotidien », qu’il constate chaque jour en rencontrant ses patients. « Moi, dit-il, je me considère comme un nanti. Je travaille beaucoup, c’est vrai, mais je n’ai aucun souci de fins de mois. » Or, ne peut-il que remarquer, ce n’est pas le cas pour « la France d’en bas », celle que son métier de généraliste lui fait cotoyer quotidiennement dans son petit bout de Lot.
Après avoir tourné et retourné la question dans sa, tête, Christian Sadek s’est décidé : il doit se faire « le porte-voix » des agriculteurs, artisans, commerçants, employés... qu’il soigne à longueur d’année. « Cela fait un moment que je sens que la pression monte, raconte-t-il. Moi, je suis asses branché psycho et depuis un an, je vois bien que mes patients ne vont pas bien, qu’ils ont perdu confiance dans leurs dirigeants. » Il fallait donc le dire au premier d’entre eux.
Diagnostic
Sa lettre (et le croc ?), le Dr Sadek l’a montrée à son avocate avant de la glisser dans la boîte. Il est tranquille. « Si ça me vaut des ennuis, elle me défendra », s’amuse-t-il même. Une affaire à suivre car l’offense ou l’outrage au président de la République sont inscrits dans la loi et peuvent coûter très cher. Il n’est pas tout à fait certain que l’on puisse impunément envoyer un croc de boucher à l’Élysée impunément...
Le généraliste de Cazals a toutefois bien pris soin de se démarquer d’autres initiatives dès l’introduction de son courrier. Son envoi, fait-il valoir au président, « n’a rien à voir avec les balles de 9 mm qui vous ont été adressées anonymement. Moi, je vous dis qui je suis et pourquoi je vous adresse cet objet ». « Tous les jours, poursuit-il plus loin, je mesure la température de la population de notre canton et (...) la température monte, monte lentement mais sûrement et un jour, cela va éclater », met en garde celui qui se définit comme « un médecin de campagne ». Évoquant les agriculteurs « qui travaillent plus de 60 heures par semaine et 365 jours par an et qui parfois sont obligés de fréquenter les Restos du Cur pour nourrir leurs enfants », les « retraités qui ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts », le Dr Sadek brocarde tour à tour les élites qu’il juge coupées « des réalités de la condition de vie des gens sur le terrain », un État qu’il considère trop « inquisiteur » et trop répressif, le président qu’il n’hésite pas à comparer à Napoléon III... Médecin malgré tout, Christiant Sadek estime faire uvre de « prévention » avec sa missive.
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