Le système de santé français face au spectre de la pénurie

Le nombre de médecins libéraux devrait diminuer jusqu’en 2025 avant une embellie

Publié le 18/09/2014
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La pénurie médicale va-t-elle nous conduire à une catastrophe sanitaire ? La retraite des médecins libéraux est-elle en danger ? L’Ordre des médecins, l’assurance-maladie et les syndicats libéraux ont confronté leur diagnostic et leurs remèdes lors d’un colloque organisé à Paris par la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF).

Le nombre de médecins n’a jamais été aussi élevé en France. Mais il va connaître dans les toutes prochaines années un sérieux creux (voir courbe). L’Ordre – qui se refuse à faire des projections au-delà de 5 à 6 ans – fait état d’un léger tassement du nombre de médecins actifs réguliers autour de 198 700 jusqu’en 2020. Mais cette évolution cache des variations importantes entre généralistes et spécialistes.

La diminution du nombre de généralistes qui avait atteint 6,5 % entre 2007 et 2014 va se poursuivre jusqu’en 2020, souligne le Dr Patrick Romestaing, vice-président du CNOM. Les généralistes, qui étaient 90 630 au 1er janvier 2014 ne seraient plus que 86 203 en 2020. Les spécialistes verraient dans le même temps leur effectif monter de 108 130 à 113 133 praticiens.

Selon Henri Chaffiotte, directeur de la CARMF, la pénurie de médecins se prolongera davantage, « au moins jusqu’à 2025 ». La CARMF, qui ne prend en compte que les libéraux, prédit que les effectifs des généralistes (62 295 en 2014) vont descendre à 51 751 en 2025 puis remonter à 58 590 en 2035 (voir tableau). Dans le même temps, les médecins spécialistes libéraux seraient dans un premier temps confrontés à une baisse sensible de leurs bataillons (de 53 347 en 2014 à 45 544 en 2025) avant l’arrivée des renforts (54 931 en 2035).


Le recours aux médecins étrangers

Les prévisions les plus pessimistes ne se sont pas réalisées, affirme Dominique Polton, directrice de la stratégie, des études et des statistiques à la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). Les anesthésistes, qui devaient perdre 7 % de leurs effectifs à l’horizon 2013 en ont gagné plus de 10 %, les ophtalmos (+4 %) et les psychiatres (+10 %) sont plus nombreux que prévu. Seule la médecine générale a connu une modeste décrue (-1 %), souligne la CNAM, alors que les prévisions faisaient état d’une baisse d’au moins 10 %.

Ce grand écart n’est pas tant à mettre sur le compte de du numerus clausus (passé de 3 583 en 1998 à 7 500 en 2014) que sur l’arrivée massive, depuis 2007, de praticiens étrangers, et notamment roumains (environ 4 000), lors de l’élargissement de l’Union européenne. Sans oublier le cumul emploi retraite, qui a séduit de nombreux médecins. Les retraités actifs étaient 2 750 en 2007, ils sont près de 13 000 en 2014. « La France dispose de soins de proximité abondants, juge Dominique Polton, et pourtant, le sentiment de pénurie persiste ».


La CARMF attire l’attention sur les risques que cette situation démographique fait courir au système de retraites. Sur la base d’un numerus clausus à 8 000 dès 2015 et d’une retraite à 65 ans, elle calcule qu’à l’horizon 2027, il y aura plus de retraités que de cotisants. Les courbes ne s’inverseront qu’à partir de 2033. Dans l’hypothèse où l’âge légal de la retraite serait fixé à 67 ans, note la CARMF, les courbes des cotisants et des retraités ne se croiseraient pas, mais se rapprocheraient tout de même dangereusement (111 261 cotisants pour 94 380 retraités en 2030).

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du Médecin: 9349