D'habitude prompts à dégainer la coercition à l'installation, les sénateurs ont défendu d'autres moyens de lutte contre la pénurie médicale lors d'un débat organisé à l'initiative du groupe UDI, la semaine dernière, au Palais du Luxembourg.
Les intervenants ont en effet été très nombreux à réclamer un rôle plus important des professions paramédicales, « richesse inexploitée », pour dépister des problèmes de santé et contribuer aux soins.
Signe que le sujet est dans l'air du temps, l'économiste Nicolas Bouzou, fondateur du cabinet de conseil Asterès, recommandait le même jour, dans un rapport, d'étendre les compétences des infirmiers et des pharmaciens, et de concentrer l'activité des médecins sur les actes à haute valeur ajoutée dans le cadre de consultations revalorisées.
De l'avis des parlementaires, les délégations de tâches permettraient de soulager les généralistes des zones sous médicalisées. « Le médecin doit continuer à superviser les soins, mais certaines missions doivent pouvoir être réalisées par des paramédicaux », a attaqué le sénateur LR de l'Yonne Jean-Baptiste Lemoyne. L'essentiel du débat est de déterminer quelles nouvelles missions pourraient être assurées par ces professionnels de santé.
D'aucuns soulignent que les infirmiers pourraient se voir confier un rôle plus important dans le suivi des malades chroniques, avec notamment le renouvellement d'ordonnance. La loi de santé a prévu la création d'infirmiers cliniciens qui se verraient confier des missions aujourd'hui réservées aux médecins mais dont les contours restent à préciser. Selon Michel Vaspart, sénateur LR des Côtes d'Armor, cette évolution nécessite d'adapter de toute urgence la formation de ces professionnels. L'enjeu est de taille et Catherine Génisson (PS, Pas-de-Calais) réfléchit déjà au coup d'après : « La téléconsultation avec un infirmier clinicien sera-t-elle bientôt la porte d'entrée du système de santé ? »
Des décrets trop rigides
Devant les réticences du corps médical et afin de garantir la sécurité des patients, il importe de bien délimiter à quels actes le professionnel sera habilité. Alain Bertrand (RDSE, Lozère) estime qu'à terme, les aides-soignants devront pouvoir réaliser les piqûres, sous cutanées et intramusculaires. Très engagé contre la désertification médicale, Hervé Maurey (UDI, Eure) affirme pour sa part que « les infirmiers doivent pouvoir vacciner, les pharmaciens doivent pouvoir assurer un suivi des malades chroniques, les orthoptistes doivent pouvoir prescrire des lunettes. »
Ces nouvelles missions nécessitent des modifications législatives et réglementaires qui tardent à se mettre en place. « De nombreux décrets d’application ne sont pas pris, a regretté Olivier Cigolotti (UDI, Haute-Loire). La face cachée des déserts médicaux ne serait-elle pas due aussi à l’inexploitation de la loi ? »
Illustration de cette zone grise juridique, un décret définissant les domaines d'intervention en pratique avancée (orientation, éducation, prévention ou de dépistage, prescriptions de produits de santé non soumis à prescription médicale obligatoire...) est toujours attendu.
Des protocoles difficiles à généraliser
Les coopérations entre professionnels de santé, pourtant prévues par la loi HPST en 2010, ont également beaucoup de mal à décoller. Alain Bertrand (RDSE, Lozère), rappelle qu'en 2014, il n'y a eu que 13 protocoles mis en œuvre : « Les procédures sont lourdes, ces protocoles sont difficiles à généraliser. Il faut accélérer leurs délais. »
La secrétaire d'État en charge des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, Ségolène Neuville, a cependant mis en avant l'action du gouvernement pour faciliter l'exercice des paramédicaux. Entre 2012 et 2017, le nombre de maisons de santé pluridisciplinaires est passé de 174 à 1 200, « permettant de maintenir la présence de médecins et de paramédicaux sur le territoire ».
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