Un sur cinq. C’est la proportion des médecins diplômés à l’étranger parmi les nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre en 2016, selon les derniers chiffres du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM).
On pourrait croire que cet afflux de praticiens venus d’ailleurs va aider à remplumer l’offre médicale dans les zones désertifiées. Les économistes (comme Xavier Chojnickia et Yasser Moullan dans « Social Science and Medicine » en mars dernier) n’ont-ils pas montré que la main-d’œuvre médicale étrangère était, au moins à court terme, un bon moyen de faire face aux pénuries de médecins ? Malheureusement, les choses ne se passent pas exactement ainsi.
Quand ils sont libéraux, les médecins étrangers bénéficient en effet de la même liberté d’installation que leurs confrères français, et ils n’en usent pas de manière différente. Quand ils sont salariés, ces praticiens ont les mêmes raisons que les nationaux de préférer répondre à des offres d’hôpitaux situés dans les villes offrant le meilleur cadre de vie. Résultat : la distribution des médecins étrangers sur le territoire est loin de recouper la carte des déserts médicaux.
Les cartes ne se superposent pas
C’est en tout cas ce qu’a constaté le Dr François Arnault, délégué général aux relations internes du CNOM, qui présentait en octobre dernier les résultats d’une étude menée par son institution pour mieux connaître les praticiens étrangers. Face à une carte de France où les zones déficitaires définies par les Agences régionales de santé (ARS) apparaissaient en rouge et les lieux d’exercice des médecins diplômés hors de France en bleu, il a soupiré, quelque peu dépité : « Ils s’installent partout où ce n’est pas rouge. »
Et l’ordinal de dresser un constat sans appel : « Les médecins étrangers ne viennent pas s’installer dans les zones déficitaires et ne serviront pas à combler notre offre de soin ; ils augmentent plutôt les disparités. » Mais de là à leur jeter la pierre, il y a un pas que François Arnault refuse de franchir. « Ce n’est pas de leur faute, ils ont raison de s’installer où ils veulent. »
Et dans les pays d’origine ?
Et toujours sans reprocher à ces médecins d’user de leur liberté d’aller et venir, on ne peut que faire un constat encore plus triste : non seulement les praticiens étrangers ne repeuplent pas les déserts médicaux français, mais de plus, ils creusent ceux qui existent déjà chez eux.
C’est ainsi que le Dr Mohamed Bekkat Berkani, président du Conseil algérien de l’Ordre des médecins, dénonce régulièrement l’exode de ses confrères vers la France, le qualifiant de véritable « saignée ». « C'est inadmissible que l'Algérie continue à former et que ce soit les pays étrangers qui en profitent », pestait-il fin 2017.
Quant à son homologue tunisien, le Dr Nezih Zghal, il estimait en janvier dernier la proportion des nouveaux inscrits qui quittent son pays chaque année à… 45 %. Un chiffre qui a d’après lui plus que quadruplé depuis 2012. Les déserts médicaux sont décidément un problème mondial.
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