Comment mieux prendre en charge la souffrance au travail (burn out, bore out, harcèlement, risques psycho-sociaux), véritable mal du siècle, alors que le nombre de psychiatres libéraux est en diminution ?
C'est en substance la question posée par l'URPS-ML Ile-de-France, qui a mené une série d'entretiens qualitatifs* avec des psychiatres libéraux afin de cerner cette problématique et formuler des recommandations. 76 % des psychiatres libéraux placent en effet la souffrance au travail en tête de leurs préoccupations. L'étude révèle une « explosion » des consultations portant sur la souffrance au travail, mouvement qui s'amplifie depuis trois à cinq ans et « submerge » les cabinets libéraux.
Les psychiatres font état de plusieurs difficultés majeures dans la prise en charge des patients en souffrance psychique, au premier rang desquelles des facteurs externes (multiplicité des intervenants, complexité réglementaire), mais aussi la diversité des structures de travail et des fonctions. « Le médecin psychiatre doit se repérer dans des environnements très différents : profession libérale, entreprise privée, fonction publique ou hospitalière, où la souffrance et les procédures diffèrent fortement », relève l'étude.
Autre difficulté : les relations peu structurées des psychiatres libéraux avec le médecin du travail, « un intervenant indispensable mais mal connu », avec qui la communication est parfois malaisée (méfiance réciproque, a priori, etc.). De surcroît, le parcours de soins – généraliste/psychiatre/médecin du travail/Sécu – peut s'avérer incompréhensible pour le patient. « La place et le rôle du psychiatre sont souvent inconfortables et peuvent devenir très compliqués, surtout s'il perçoit des risques importants pour son patient que les autres ne voient pas », souligne l'étude de l'URPS.
L'arrêt de travail et l'éthique
Autre barrière : « faire la part des choses entre ce qui relève du travail et d'une fragilité préexistante », ou encore déterminer « ce qui relève des conditions de travail ou d'une réelle maltraitance comme le harcèlement, qui entraîne des aspects juridiques différents ». La question de la formation juridique des psychiatres est ici posée.
Quant aux arrêts de travail, « pièce maîtresse de l'arsenal thérapeutique », ils posent aux spécialistes des problèmes éthiques et de responsabilité. « Parfois, l'arrêt de travail n'est plus justifiable par l'état de santé du salarié, mais devient juste une façon de le protéger d'un contexte de travail », détaille un des psychiatres du panel.
Plusieurs recommandations sont avancées : (re)définition plus précise de la souffrance au travail et de son impact (coûts, responsabilité), actions d'information en direction des entreprises et des professionnels concernés, création d'une fonction de conseil/support pour les psychiatres en cas de difficulté… L'étude recommande aussi « une vraie politique de prévention en entreprise », en lien avec le MEDEF, mais aussi des contacts avec les assureurs complémentaires autour de cette thématique.
Les psychiatres souhaiteraient même davantage de formations spécialisées pour les généralistes, les médecins du travail mais aussi pour eux-mêmes, notamment « sur les conséquences juridiques et financières des procédures liées à la souffrance au travail ».
* Enquête qualitative menée du 23 septembre au 20 octobre 2016, via 39 entretiens téléphoniques et 5 en face-à-face.
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