« LE PÉDIATRE devrait se positionner en interface entre le médecin généraliste et l’hôpital ; il devrait être sollicité beaucoup plus qu’il ne l’est aujourd’hui en second recours, souligne le Dr Catherine Salinier. Or aujourd’hui, du fait d’une demande très forte des parents, nous avons essentiellement une activité de premier recours et très peu de second recours ; les pédiatres sont ainsi amenés à faire de nombreux actes qui ne nécessitent pas forcément une expertise pédiatrique au détriment d’autres pour lesquels cette expertise serait nécessaire. »
Les pédiatres interrogés dans une enquête récemment menée par l’AFPA (451 pédiatres, 60 % en exercice ambulatoire exclusif, 21 % mixte hospitalier-ambulatoire, 17 % mixte ambulatoire-communautaire et 2 % ambulatoire-communautaire-hospitalier) l’expriment d’ailleurs clairement : 60 % ont le sentiment que leurs compétences spécifiquement pédiatriques ne sont pas assez utilisées et 90 % pensent qu’ils seraient plus utiles à un plus grand nombre d’enfants si le mode de prise en charge était différent. Réalistes face à la démographie actuelle comparée aux besoins des enfants, 80 % des pédiatres interrogés estiment souhaitable que les enfants soient suivis conjointement par le pédiatre et le médecin généraliste. Ce qui est déjà une réalité pour beaucoup, particulièrement pour les plus grands. Il reste que sur le terrain la répartition des champs d’action des uns et des autres n’est pas toujours très cohérente.
Quelques moments clés.
« L’enfant n’a pas besoin de voir un pédiatre pour tout, note Catherine Salinier, un médecin généraliste bien formé peut assurer une part de son suivi ; en revanche, il doit absolument pouvoir bénéficier des compétences d’un pédiatre à certains âges clés et dans certaines circonstances pathologiques. »
Le cadre de cette prise en charge spécifiquement pédiatrique inclut :
– les examens à des âges clefs ; la première consultation après la sortie de la maternité, les examens systématiques à 4 mois, 9 mois, 2 ans, 6 ans, 12 ans et 16 ans ;
– le suivi des enfants atteints de malades chroniques et porteurs de handicap dont les troubles du développement et de la croissance ;
– les indications d’une hospitalisation ou d’une consultation hospitalière ;
– la surveillance posthospitalisation pour certaines pathologies. Le pédiatre serait le relais du médecin hospitalier, selon la pathologie en cause, si un suivi pédiatrique est nécessaire. « Ce mode de prise en charge, précise Catherine Salinier, fonctionnerait comme un réseau, centré sur un enfant et non sur une pathologie. »
Tout cela implique de formaliser le système de soins et suppose une réelle coordination entre les différents acteurs. « Or actuellement, observe Catherine Salinier, les trois systèmes, la pédiatrie ambulatoire la médecine générale et la pédiatrie hospitalière fonctionnent en parallèle. Les médecins généralistes ne nous adressent que très rarement des patients de façon formelle : moins d’une fois par mois pour 75 % des pédiatres interrogés dans l’enquête. En revanche, ils orientent plus souvent leurs patients vers un pédiatre de façon informelle ("vous verrez avec le pédiatre pour ce problème"). Dix-huit pour cent des pédiatres de l’enquête sont ainsi sollicités de cette façon au moins une fois par semaine. Lorsqu’ils ont une inquiétude, les médecins généralistes ont tendance à adresser l’enfant à l’hôpital sans en référer préalablement au pédiatre comme ils le font avec d’autres spécialistes. Or, si les pédiatres étaient sollicités comme le recours qu’ils ont vocation à être, nombre de consultations aux urgences, de consultations hospitalières et d’hospitalisations pourraient être évitées. Les hospitaliers de leur côté captent les patients, notamment ceux atteints de maladies chroniques. Les compétences sont mal réparties et mal harmonisées. Chacun, généraliste, pédiatre ambulatoire, pédiatre hospitalier n’est pas toujours à la bonne place pour faire au mieux et la coordination entre les uns et les autres est notoirement insuffisante. Cette situation n’est pas vraiment nouvelle, nous en avons fait le constat il y a plus de quinze ans et nous demandions déjà alors que le pédiatre retrouve son rôle de spécialiste en réservant son activité à certains champs prioritaires. La solution pour y parvenir est sans doute, comme nous le préconisions à cette époque, de formaliser un parcours de soins que patients et médecin seraient incités à respecter par des recommandations. Cela passe aussi une revalorisation des actes de second recours chez le pédiatre. »
Des expériences trop ponctuelles.
Pour pouvoir consacrer davantage de temps aux missions qui sont les leurs, les pédiatres interrogés dans l’enquête sont par ailleurs favorables à la délégation de certaines tâches à une puéricultrice : les mesures auxométriques, les vaccins, la réalisation de certains examens (ECG, EFR, par exemple), les conseils de puériculture étant entendu que l’indication et l’interprétation de ces actes techniques, le regard sur le développement, l’examen, les décisions de diagnostic et de traitement leur reviennent. Cela suppose une organisation qui ne peut véritablement se mettre en place que dans de grands cabinets regroupant pédiatres, médecins généralistes, puéricultrices, éventuellement des surpécialistes. Des cabinets de ce type existent déjà mais ces expériences restent très ponctuelles.
D’après un entretien avec le Dr Catherine Salinier, Gradignan, présidente de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA).
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