LA PRISE en charge des patients infectés par le VIH est aujourd’hui essentiellement hospitalière. Les compétences nécessaires au suivi thérapeutique des patients se sont considérablement complexifiées ces dernières années. Cependant, avec les évolutions épidémiologiques de la maladie, les services spécialisés sont souvent saturés, avec le risque d’atteindre un seuil ne permettant plus d’assurer une prise en charge de qualité. Par ailleurs, une fois la situation d’un patient stabilisée sous traitement, le suivi médical peut être fait en ville, sans recours systématique à une consultation hospitalière. Ces constatations conduisent à repenser les modalités de cette prise en charge.
La réflexion, engagée sous l’égide de la Société d’infectiologie de langue française (SPILF) et de la Société française de lutte contre le sida (SFLS), a conduit à l’élaboration d’un consensus formalisé et à l’émission d’un certain nombre de recommandations visant à impliquer davantage les médecins de ville et à mieux répartir les tâches entre médecine hospitalière et de ville. Certaines d’entre elles pourraient être reprises dans le plan de santé publique. Deux niveaux d’implication des médecins généralistes et des spécialistes libéraux (dermatologues, gynécologues, internistes) ont été identifiés : les missions de soins de santé primaires (SSP) et les missions dites « avancées ».
Améliorer la prévention et le dépistage.
Les missions de SSP sont par essence du domaine des généralistes. Elles concernent essentiellement les actions de prévention et de dépistage, mais aussi l’annonce d’un diagnostic, l’orientation des patients exposés à un risque de transmission ou encore le suivi de l’observance des patients infectés. La formation des médecins sur ces thèmes se fait lors de leur formation initiale au cours du troisième cycle des études médicales, lors du DES de médecine générale, et dans le cadre de la formation médicale continue. Les COREVIH (coordinations régionales de lutte contre l’infection à VIH) diffusent les informations sur ces formations et favorisent leur mise en uvre sur leur territoire.
Les généralistes doivent pouvoir identifier les différentes situations cliniques ou personnelles devant lesquelles un dépistage doit être proposé : femme enceinte, suivi gynécologique et contraception, prise de risque de transmission d’infections sexuellement transmissibles, rupture, nouvelle relation, sortie de prison, travailleurs du sexe, usagers de drogues, partenaires multiples, relations homosexuelles, personne originaire d’une zone de forte endémie… Ils doivent savoir reconnaître les signes cliniques évoquant une primo-infection, ainsi que les situations cliniques mineures ou majeures classant au stade B ou C de la classification internationale et les situations biologiques conduisant à proposer un test diagnostic de l’infection à VIH.
Favoriser le partenariat ville-hôpital.
La participation des médecins de ville qui choisissent de s’investir afin d’assurer des missions avancées devrait être facilitée. Actuellement, seul un très petit nombre de généralistes ou de spécialistes libéraux suit de façon régulière une proportion importante de patients infectés par le VIH. Ils ont souvent en parallèle une consultation hospitalière, mais sont limités dans leur pratique libérale par la législation régissant la prescription des traitements antirétroviraux (prescription initiale et validation annuelle hospitalières). Le travail de ces médecins, en partenariat avec l’équipe hospitalière de référence, doit être encouragé, pour qu’ils puissent assurer la surveillance régulière des patients infectés par le VIH, les préparer à l’initiation d’un traitement antirétroviral en évaluant avec lui les options thérapeutiques, agir afin d’aider à une bonne observance et gérer les interactions médicamenteuses et l’apparition éventuelle d’effets indésirables. La formation à ces missions avancées peut être entreprise dans le cadre postuniversitaire, sous forme de diplômes universitaires ou de FMC, ou par les réseaux de soins et de santé.
La création de binômes « ville-hôpital » pourrait être envisagée, avec la participation des médecins libéraux aux réunions de concertation pluridisciplinaire et un accès facilité aux dossiers patients informatisés sécurisés. Dans ces derniers cas, les médecins devraient avoir la possibilité prescrire en ville aussi bien que lors de leurs vacations hospitalières, que ce soit pour une primoprescription, un renouvellement annuel ou une modification de schéma thérapeutique.
Évaluation et valorisation.
La question de la valorisation financière des médecins de ville qui s’impliquent dans la prise en charge de l’infection à VIH fait partie des recommandations, du fait de l’aspect très chronophage de cette activité. Une rémunération sous forme de lettre-clé ou de forfait annuel de prise en charge serait souhaitable. Le sujet de l’évaluation de pratiques de ces médecins doit également être envisagée, afin de s’assurer du respect des recommandations, concernant l’institution d’un traitement antirétroviral et en matière de prophylaxie des infections opportunistes, de suivi biologique et de prise en charge des comorbidités. Pour une prise en charge unifiée, l’élaboration régulière de recommandations actualisées doit se faire de façon coordonnée au niveau national, par les sociétés savantes, les COREVIH et les institutions et agences nationales.
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