La dispense d'avance de frais sera-t-elle, oui ou non, un droit pour tous les Français fin novembre, comme l'avait prévu la loi de santé ? Rien n'est moins sûr, le gouvernement ayant décidé de calmer le jeu sur ce dossier qui hérisse la profession.
Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, le tiers payant généralisé fait plutôt marche arrière. « Pas fan » de l'extension de la dispense d'avance de frais – déjà limitée par le Conseil constitutionnel à la seule part Sécu – le Premier ministre a réclamé son évaluation. Agnès Buzyn a confié une mission à l'IGAS sur sa faisabilité technique. Elle en attend le retour pour la fin de l'été. « Soyons clairs : mon objectif serait d'éviter l'obligation de tiers payant généralisé. J'ai horreur des obligations », a annoncé dans nos colonnes la ministre de la Santé.
Refusant de mettre en place cette réforme « contre les professionnels chargés de l'appliquer », Agnès Buzyn, elle-même médecin, veut regarder « ce qui est faisable et ce qui ne l'est pas ». Elle lira également avec attention le rapport que l'assurance-maladie et les complémentaires doivent lui remettre en septembre (voir encadré). Un aménagement de la loi pourrait intervenir « en septembre ou en octobre ».
Le glas de l'obligation ?
Vent debout contre le tiers payant imposé (quand bien même la loi ne prévoit aucune sanction), la profession a apprécié la nette inflexion gouvernementale. Pour le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, qui avait appelé à la désobéissance civile, les propos d'Agnès Buzyn « sonnent le glas de l'obligation » : « Ces intentions doivent se traduire dans la loi. » Le Dr Philippe Vermesch, patron du SML, se félicite lui aussi du « pragmatisme » du gouvernement. Le rapport de l’IGAS est selon lui une « façon élégante de repousser la réforme du tiers payant généralisé ».
D'autant que, selon le Dr Jean-Paul Hamon (FMF), « la priorité pour améliorer l'accès aux soins n'est pas de généraliser le tiers payant mais de trouver un médecin ». Le Dr Gilles Urbejtel (MG France) salue aussi l’ouverture de la ministre mais reste prudent en attendant les conclusions de l'IGAS. Plusieurs points préoccupent le généraliste. « Une quinzaine de caisses reprochent aux médecins de ne pas faire assez de tiers payant, c'est contre-productif ». Et sur le plan technique, des « anomalies » persistent, y compris pour les patients à 100 %. « La MSA et le RSI ne sont pas aussi performants que la CNAM, le système est perfectible », poursuit le Dr Urbejtel.
Le Dr Claude Pigement, ancien responsable santé du PS et fervent défenseur du tiers payant dont il est l'un des initiateurs, veut croire que la réforme ne sera pas enterrée. « Agnès Buzyn dit qu'elle veut éviter l'obligation, pas la supprimer », observe le médecin, attentif à la sémantique. Selon lui, le gouvernement prendrait un risque politique en écartant une mesure (la généralisation) à laquelle la population est majoritairement favorable.
Dans un rapport rendu public début 2014, l'IGAS estimait que la dispense d’avance de frais était « techniquement possible » en cinq ans sous « certaines conditions ». L'inspection se déjugera-t-elle à la rentrée ?
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