Commençons par un peu de théorie. Le droit de propriété est composé de plusieurs prérogatives : l’usus (le droit d’utiliser un bien), le fructus (le droit d’en percevoir les fruits) et l’abusus (le droit d’en disposer).
Le partage de ces droits, appelé « démembrement de propriété », portant notamment sur un bien immobilier, consiste à dissocier deux droits réels : l’usufruit d’une part (composé de l’usus et du fructus) et la nue-propriété d’autre part (correspondant à l’abusus).
Le plus souvent, le démembrement de propriété est effectué à l’occasion de transmissions familiales par donation ou succession mais il peut également être utilisé dans le cadre de montages financiers. L’est-il toujours à bon escient ? C’est la question que nous nous sommes posée.
À quoi correspond le démembrement de propriété d’un bien immobilier ?
De façon commune, lors de l’achat d’un bien immobilier, l’acquisition se fait en pleine propriété. Toutefois, il est possible de procéder au démembrement de ce bien. Dans ce cas, le bien est alors détenu par un ou des usufruitier(s) et un ou plusieurs nu(s)-propriétaire(s).
L’usufruit peut être constitué pour une durée fixe ou jusqu’au décès de l’usufruitier. Ce droit confère à son détenteur la possibilité d’occuper le bien ou de le donner en location pour en percevoir les loyers. En contrepartie, l’usufruitier sera tenu de payer toutes les charges (sauf les travaux de grosses réparations dont la charge incombe au nu-propriétaire).
En général, lors de donations, les parents conserveront l’usufruit des biens donnés afin de maintenir leur train de vie, tout en anticipant la transmission du bien aux enfants.
En effet, au décès de l’usufruitier, la pleine propriété sera reconstituée automatiquement dans les mains du nu-propriétaire. Avec un gros avantage : l’extinction de l’usufruit n’est pas fiscalisée.
Des règles légales définissent les droits et obligations de chacune des parties, couvrant la majorité des situations, mais une « convention de démembrement » peut être rédigée afin de moduler ces règles. Elles ne peuvent toutefois pas outrepasser certaines limites sous peine de nullité de la convention.
Cession : En ce qui concerne la vente du bien alors que ces droits sont encore séparés, il convient en général que les deux parties soient en accord sur le prix et participent à la cession. Au moment de la vente, il sera possible de reporter le prix de cession dans le but d‘acquérir un nouveau bien qui sera lui-même démembré, ou alors de partager cette somme en fonction de la valorisation des droits de chacun.
Il peut cependant être envisagé de vendre l’usufruit ou la nue-propriété seulement, sous certaines conditions (par exemple un usufruitier de 60 ans ne pourrait pas revendre son droit à une personne âgée de 40 ans qui aurait donc une chance de survie bien supérieure…).
Valorisation des droits : En règle générale, on retiendra l’âge de l’usufruitier pour déterminer la valeur de l’usufruit en application d’un barème fixé légalement. Ainsi, plus l’usufruitier est âgé, plus la valeur de son droit est faible.
Toutefois, les parties peuvent convenir de fixer la valeur de l’usufruit de manière « économique ». Pour ce faire, on prend en compte la somme actualisée des revenus que ce bien procurera dans le futur.
Si l’usufruit est détenu par une personne morale, la durée de l’usufruit sera nécessairement déterminée lors du démembrement de propriété, sans pouvoir excéder trente années.
Quelques exemples d’utilisation du démembrement
Transmission : Le démembrement de propriété est le plus souvent utilisé lors de la transmission à ses enfants de la nue-propriété de biens. Ce schéma permet notamment à l’usufruitier de conserver la jouissance ou les revenus des biens, mais également de réduire le coût de la transmission, les droits de donation étant évalués sur la seule valeur de la nue-propriété.
Exemple : un père de 40 ans, divorcé, donne la nue-propriété de sa maison de 600 000 € à ses trois filles. Lors de la donation, les droits dus seront calculés sur la valeur de la nue-propriété, c'est-à-dire 30 % de la pleine propriété (soit 60 000 € par enfant, ce qui permet de profiter à plein de l’abattement de 100 000 € sur les donations).
Il décède à 56 ans. Le bien vaut alors 900 000 € et le reste de son actif successoral est valorisé à 270 000 €. La réunion de l’usufruit n’étant pas taxée, la succession est inférieure à 100 000 € par fille. L’abattement parent-enfant s’étant reconstitué au terme de 15 ans, les filles n’auront aucun droit à payer.
Or, en l’absence de transmission anticipée, le coût de la transmission par succession se serait élevé à 175 000 € environ pour les trois enfants !
Investissement retraite : Le nu-propriétaire n’a aucune charge pendant toute la durée de l’usufruit et est considéré à terme comme étant propriétaire depuis l’origine du démembrement, ce qui peut avoir de forts impacts fiscaux en termes d’impôt sur la fortune et de plus-value. Par ailleurs, il peut, dans certains cas, déduire les intérêts d’emprunt de ses autres revenus fonciers.
Exemple : un couple imposé à 41 % et percevant des loyers de 20 000 € par an acquittera un impôt de plus de 11 500 € sur ces revenus. Il acquiert la nue-propriété d’un bien immobilier pour sa retraite d’une valeur de 350 000 €. Cette nue-propriété est valorisée à 200 000 €. Pour cela, notre couple prend un crédit in fine à 2,5 % sur 20 ans, en mettant un contrat d’assurance vie de 40 000 € en garantie. Les intérêts de ce prêt étant déductibles, ils réduisent ainsi leur imposition de 3 000 € par an. Le coût mensuel de l’acquisition de ce bien est donc de 560 € par mois environ pendant 20 ans.
Supposons qu’au terme des 20 ans, le bien ait une valeur de 450 000 €. Le couple décide de le céder : la valeur à retenir pour déterminer la plus-value imposable sera la valeur de la pleine propriété au jour de l’acquisition de la nue-propriété donc, dans notre exemple, 350 000 €. La plus-value réalisée sera donc de 100 000 €. Notre couple bénéficiera d’abattements pour durée de détention importants leur permettant de réduire leur imposition sur la plus-value à 15 000 € environ. Le taux de rendement net d’impôt sera supérieur à 6,5 % par an !
À l’inverse, en présence de déficits fonciers reportables, il peut être intéressant de se créer des revenus par l’acquisition de l’usufruit d’un bien ou de parts de SCPI (sociétés civiles de placement immobilier).
Exemple : un couple imposé à 41 % avait réalisé une opération de défiscalisation immobilière ayant généré un déficit foncier de 40 000 €. Ayant vendu le bien pour rembourser leur emprunt, ils ne peuvent déduire ce déficit.
Ils acquièrent pour 18 500 € l’usufruit de 100 000 € de parts de SCPI sur 5 ans. Ils recevront un loyer de 5 400 € par an, totalement exonéré d’impôt puisqu’ils utilisent alors leur déficit foncier, ce qui leur laisse un gain net de 8 500 € sur 5 ans (soit près de 46 % de la somme investie).
Faut-il se précipiter pour investir en démembrement ?
Le démembrement de propriété s’avère être un puissant outil patrimonial, mais il faut toutefois rester vigilant.
Acquérir des revenus au travers de l’acquisition d’usufruit n’apporte aucune garantie de percevoir le loyer actuel versé actuellement aux détenteurs du bien. Il faut également tenir compte des coûts d’acquisition qui seront variables selon les situations.
En cas d’acquisition de la nue-propriété d’un bien, aucun revenu ne sera perçu et, s’il y a revente avant le terme de l’usufruit, la différence entre le prix d’acquisition versé (200 000 €) et la valeur de revente sera alors considérée comme une plus-value.
Dans notre exemple, si notre couple avait revendu après 15 ans leur nue-propriété, valorisée à 400 000 €, l’imposition serait de 47 000 € environ. Après remboursement du crédit, leur effort d’épargne n’aurait été rémunéré qu’à 0,85 % par an.
Un usufruitier peu respectueux de ses charges et laissant le bien se dégrader, des défauts de construction ou des travaux sur les gros œuvres intervenant sur la période et à la charge du nu-propriétaire peuvent se révéler catastrophiques.
L’investissement en nue-propriété dans le neuf va couvrir certains risques, l’état neuf et la garantie décennale garantissant des charges faibles les premières années. Dans la majorité des cas, il faut privilégier le choix d’un usufruitier « bailleur social » (permettant la déduction des intérêts d’emprunts d’autres revenus de même nature) qui s’engage contractuellement à une remise en état initial du bien avant le terme de son usufruit.
Dans l’ancien, l’investissement en nue-propriété est plus complexe et présente des avantages différents, notamment dans le cas d’acquisition de la nue-propriété de biens dont l’usufruit est conservé par l’actuel occupant.
Ce montage diffère beaucoup du viager car il permet d’anticiper chaque étape. Il va permettre à un sénior de disposer de liquidités immédiates en vendant la nue-propriété de son logement sur une durée fixe. Soit il décède avant la fin de cette période et ses héritiers seront indemnisés par l’acheteur. Soit il survit à l’échéance et dans ce cas il pourra continuer d’occuper le bien car une assurance souscrite par ses soins au moment de la transaction indemnisera l’acheteur en lui versant une rente annuelle. Ce montage original est proposé en partenariat avec une importante compagnie d’assurance.
Prenons l’exemple d’un logement estimé à 200 000 €, dont la nue-propriété sur 15 ans est valorisée à 64 % de la valeur du bien, soit 129 000 €.
Le couple de notre précédent exemple s’y intéresse. L’achat de cette nue-propriété leur reviendrait également à 560 € par mois (attention, les intérêts d’emprunt ne sont cette fois-ci pas déductibles de leurs revenus fonciers).
Cas 1 : L’usufruitier est encore vivant au terme du contrat et continue à occuper le bien. Contrairement au viager où notre couple d’investisseur devrait attendre son décès sans aucune contrepartie, ils vont ici bénéficier d’une rente jusqu’à son décès ou son départ. Versée par la compagnie d’assurance, elle correspond à 3 % du montant investi au départ. Elle sera revalorisée sur la durée du contrat et bénéficiera en outre d’un avantage fiscal puisqu’il s’agit d’une rente à titre onéreux, imposée après un abattement pouvant aller jusqu’à 70 %.
Cas 2 : L’usufruitier décède avant la fin prévue du contrat. Il sera alors possible pour notre couple de récupérer le bien en contrepartie d’un complément de prix. Dans notre exemple, nous estimons ce complément à 19 000 €. Si l’on valorise le bien de 1 % par an, sa valeur sera de 220 000 € au décès de l’usufruitier, soit une différence finale de 72 000 €. En cas de cession du bien, le rendement de l’épargne de notre couple sera d’environ 5,8 % net d’impôt.
Comme on le voit, il existe des très bonnes solutions patrimoniales utilisant le démembrement de propriété mais dans tous les cas, votre investissement doit correspondre au mieux à votre situation et à votre sensibilité au risque ou à la recherche d’un meilleur rendement. Dans tous les cas, nous recommandons, évidemment, d’être accompagné par un expert.
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