L’ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE (ALR) est une technique d’anesthésie classiquement pratiquée en chirurgie orthopédique et dont l’utilisation pour l’analgésie postopératoire ne cesse de croître dans les autres spécialités chirurgicales (viscérale, urologie, gynécologie…).
Ce large recours à l’ALR est en partie due à l’utilisation d’une nouvelle technologie pour sa réalisation : l’échographie. Depuis quelques années, les techniques dites à l’aveugle (recherche de paresthésie, neurostimulation) ont ainsi fait place à une procédure visualisée en temps réel grâce au guidage échographique. En plus de l’augmentation et de l’élargissement de son utilisation, l’échographie a permis d’améliorer l’efficacité et la sécurité de l’ALR.
ALR échoguidée : un apprentissage spécifique.
Afin de répondre au mieux à la demande des anesthésistes, les constructeurs d’échographes ont mis à leur disposition du matériel adapté : sondes à différentes fréquences d’ultrasons, appareil de faible encombrement.
Néanmoins, l’introduction de l’échographie en ALR impose un nouvel apprentissage et la connaissance de nouveaux risques inhérents à sa pratique.
Elle demande une coordination complexe des deux mains : pendant l’insertion de l’aiguille qui est réalisée avec une main, l’anesthésiste doit maintenir et orienter la sonde à ultrasons avec l’autre main afin de contrôler en temps réel le nerf, la progression de l’aiguille et l’injection de l’anesthésique local.
Elle nécessite un apprentissage spécifique : connaissance de l’anatomie échographique et de ses variantes, manipulation de la sonde et de la machine d’échographie, manipulation et contrôle de l’aiguille. Un grand nombre de blocs nerveux périphériques doivent être pratiqués pour acquérir un niveau d’expertise nécessaire pour l’ALR échoguidé. Pour information : une enquête nationale menée aux États-Unis montre un manque très significatif de formation des résidents pendant leurs études universitaires.
Enfin, le risque de lésions nerveuses est faible mais il existe. Le guidage échographie ne peut éviter les injections intraneurales, responsables de lésions nerveuses.
SAILOR, un système robotique coopératif.
Le projet SAILOR vise à développer un nouveau système afin d’aider les anesthésistes dans leur pratique quotidienne de l’ALR sous guidage échographique, mais aussi de sécuriser au maximum cette technique et d’offrir un support d’apprentissage simple et efficace.
Dans le processus de guidage échoguidé, trois étapes critiques sont identifiées : la reconnaissance des structures anatomiques (essentiellement les nerfs et les structures vasculaires adjacentes), le contrôle du trajet de l’aiguille pendant son insertion et l’injection de l’anesthésique local au contact des cibles nerveuses. Ces trois étapes sont gages de sécurité et d’efficacité.
SAILOR propose de développer un système de robotique coopératif pour le support de l’aiguille et de la sonde afin d’assister les anesthésistes dans la gestion de ces trois étapes critiques. Cette technologie permettrait également d’aider les anesthésistes juniors dans leur apprentissage du geste.
SAILOR est un projet soumis à l’ANR (Agence nationale de la recherche) qui fait face à beaucoup de challenges scientifiques et techniques, en particulier d’analyse et d’interprétation d’image ultrasonore, de localisation de la sonde et de l’aiguille, de planification du chemin de l’aiguille, d’asservissement visuel sous images échographiques, d’approche ergonomique pour une conception mécanique adaptée, de traitement en temps réel et d’interaction humaine dans un environnement médical.
SAILOR cherche des solutions en vue de réaliser une application interactive de collaboration humain/robot consacrée l’anesthésie locorégionale échoguidée.
Plusieurs objectifs sous-tendent ce projet :
- développer un processus ergonomique afin de mieux intégrer les processus d’interaction entre l’anesthésiste, le patient, le robot et l’ensemble de l’environnement de l’acte médical ;
- concevoir un robot dédié porte-sonde d’échographie pour assister les anesthésistes pendant la phase de recherche des nerfs et pendant la procédure d’insertion d’aiguille ;
- mettre en application une détection automatique des nerfs dans des images d’échographie ;
- fournir au clinicien un asservissement de la sonde d’ultrasons, basé sur l’image échographique, pour maintenir de façon automatique la région d’intérêt (par exemple le nerf) dans le plan ultrasonore ;
- proposer lors de l’insertion de l’aiguille une planification de trajectoire interactive jusqu’à la cible (ici le nerf) ;
- exécuter des validations techniques et cliniques pour assurer l’exactitude, la robustesse et la sécurité de la plateforme SAILOR pour soutenir l’expert en matière de procédure d’insertion d’aiguille ;
- intégrer un prototype préindustriel de support de sonde et support d’aiguille avec asservissement visuel.
L’ensemble de ces objectifs et verrous nécessite une collaboration très forte entre plusieurs équipes travaillant dans différents domaines de recherche appliquée.
Dans le cadre de l’ergonomie et de la psychologie du travail pour les systèmes interactifs médicaux, trois objectifs complémentaires peuvent être identifiés. Le premier concerne la participation de spécialistes de l’ergonomie dans le processus initial de conception robotique. Le robot est conçu de manière à prendre en considération la variabilité des gestes des anesthésistes. Le deuxième objectif est de soutenir l’équipe d’anesthésistes dans le développement de nouvelles méthodologies à l’aide d’un système robotisé. Le troisième objectif est d’évaluer l’impact de l’introduction d’un système robotisé sur l’organisation et la qualité du soin. Ici, la qualité du soin est définie non seulement en termes de sécurité, mais également d’efficacité de l’activité anesthésique.
Concernant l’identification des nerfs dans l’image échographique, la différenciation des nerfs parmi les autres tissus n’est pas toujours aisée dans les images échographiques. Le but est de concevoir une méthode capable de détecter automatiquement le nerf visé. Les images échographiques font partie des images les plus difficiles pour appliquer des techniques de segmentation et faire ainsi un repérage informatique du nerf dans l’image. Il n’y a aucun travail significatif pour la détection automatique de nerf basée sur l’analyse d’images échographiques. L’idée est d’utiliser la « vérité terrain » des experts humains pour établir un modèle fiable qui caractérisent les tissus nerveux et ainsi rétrécir l’espace de recherche pour rendre la segmentation informatique plus précise (figure ci-dessous).
Cette procédure de détection est appliquée pendant l’étape préliminaire de la recherche du nerf par l’anesthésiste en utilisant la sonde fixée au bras robotique passif. Après cette étape, l’anesthésiste peut activer le mode asservissement du bras robotique pour maintenir de façon permanente la visualisation du nerf dans le champ des ultrasons.
Visualiser en permanence le nerf cible.
Pour aider l’expert, la commande automatique de mouvement d’une sonde robotisée par asservissement visuel des images échographiques est prévue afin qu’il puisse se concentrer sur le geste d’insertion d’aiguille. Le but de la tâche robotique est d’adapter sans interruption la position de la sonde pour maintenir l’aiguille alignée dans le plan des ultrasons tout en gardant une vision permanente du nerf. Les trajectoires proposées doivent être conformes aux capacités de mouvement de l’aiguille et éviter les obstacles détectés dans l’image échographique. Les trajectoires produites sont montrées en image pour aider l’anesthésiste à visualiser celle qui lui est proposée. Cette approche doit fournir une technique plus sûre en réduisant potentiellement certaines complications ( injection intraneurale ou intravasculaire).
De nouvelles techniques d’asservissement visuel utilisant une sonde échographique ont été déjà développées pour dépister automatiquement une région cible dans l’image. La synchronisation automatique du mouvement de la sonde en ce qui concerne le déplacement d’une cible anatomique interne a été validée dans des expériences communes conduites sur fantôme anatomique. Le projet s’appuie sur des plateformes technologique et médicale nationales : EQUIPEX ROBOTEX, IBISA-INSERM.
En conclusion, l’objectif du projet SAILOR est de développer une plateforme interactive permettant aux anesthésistes de détecter automatiquement le nerf dans une image échographique, de proposer une trajectoire précise de l’insertion de l’aiguille au plus près de la région du nerf sélectionné en utilisant un robot support de sonde d’ultrasons, avec asservissement visuel échographique par rapport à l’aiguille. Par conséquent, l’expert est en temps réel dans un champ d’ultrasons stable comprenant l’aiguille et le nerf cible visualisés en permanence de manière automatisée, ce qui permet au praticien de mieux se concentrer sur la seule manipulation de l’aiguille pendant toute la durée de l’acte.
*Clinique Médipole Garonne, Toulouse.
**HP Galien, Quincy-sous-Sénart.
Participent à ce projet : PRISME (UPRES EA 4229), université d’Orléans ; PPRIME (UPR - CNRS 3346), université de Poitiers ; INRIA Bretagne Atlantique ; ADECHOTECH ; CRDT-Cnam ; Établissements de soins : HP Claude Galien, MÉDIPOLE, INRA (plateforme IBISA-INSERM).
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