« Fuyez ! Horrible. Étant donné son manque de connaissances, je suis surpris qu’elle soit dans le médical ».Voici l’un des dix avis, presque tous du même acabit, qu’une médecin anesthésiste du Maryland peut lire à propos d’elle-même sur le site rateMDs.com, l’un des leaders de la notation des médecins par les internautes aux États-Unis.
Que cela leur plaise ou non, les praticiens américains sont désormais bien obligés de faire avec ce nouveau mode d’expression de leurs patients, devenu massif : rateMDs.com cumule plus de deux millions de commentaires depuis sa création en 2004 !
Cette pratique n’a pas (encore ?) pris racine en France, où les deux pionniers de la notation en ligne des médecins, note2bib.com et demedica.com, ont fermé peu de temps après leur lancement en 2008.
Aujourd’hui, même en comptabilisant les avis postés sur les sites généralistes tels que Google et Yelp, rares sont les praticiens pour lesquels les patients peuvent trouver sur la Toile un nombre d’avis suffisant pour orienter leur choix.
Guirec Piriou est le fondateur du site notetondoc.com, l’un des quelques portails spécialisés en activité en France. Il reconnaît volontiers que son projet n’a pas décollé : avec seulement 4 000 avis collectés depuis sa fondation en 2012, notetondoc.com est bien loin des deux millions de rateMDs.com. Mais il est largement devant les-bons-choix-sante.fr, concurrent lancé la même année qui n’a collecté à ce jour que 1 000 avis.
Barrières
Pourquoi cette différence de pratique entre les États-Unis et la France ? Certains évoquent une barrière culturelle face à la notation en ligne des praticiens par les patients. « En France, les médecins sont encore mis sur un piédestal », assure Guirec Piriou, même si les sites de notation de praticiens se défendent d’être des tribunaux de la médecine.
Autre raison invoquée, juridique cette fois : la loi Informatique et libertés. D’après Henri Delettre, du site les-bons-choix-sante.fr, une interprétation rigoriste de la législation permet à un médecin mal noté d’exiger la suppression des mauvais commentaires. Une perspective qui n’encourage guère les initiatives.
Le Dr Dominique Dupagne, médecin 2.0 bien connu des internautes et fondateur du site atoute.org, invite à se mettre dans la peau du patient : « Quel intérêt ai-je à dire que mon médecin est bon, alors qu’il est débordé et que je n’arrive pas à avoir un rendez-vous ? ».
Réservé, l’Ordre calme le jeu
Le Dr Jacques Lucas, vice-président de l’Ordre national des médecins, chargé de la e-santé, ne regrette pas le faible succès, pour l’instant, des sites français de notation. Il assure que l’Ordre est opposé à ce type d’évaluation dès lors que le caractère objectif des avis n’est pas garanti. Or, par définition, les patients commentent et jugent en ligne avec leur ressenti, leurs états d’âme, et de façon souvent invérifiable. « On ne peut pas évaluer un médecin sous un pseudo ! », explique par exemple le Dr Lucas. Il recommande aux patients mécontents de signaler d’éventuels dysfonctionnements graves ou fautes aux instances ordinales.
Et tient à rassurer ses confrères inquiets du développement de ce genre de sites dans l’Hexagone : « Il n’y a pas de marché », veut-il croire, car la relation médecin/patient serait moins commerciale en France que dans les pays anglo-saxons.
Et pourtant. Il existe partout une demande croissante des patients pour obtenir des informations sur les offreurs de soins (établissements, services mais aussi praticiens). Au nom de la transparence, le collectif interassociatif sur la santé (CISS, usagers de santé) n’hésite plus à pointer du doigt ceux qui freinent le développement des initiatives en la matière. Notetondoc.com promet une refonte de son site. « On n’a pas dit notre dernier mot », assure son fondateur.
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