Si l’on avait posé la question il y a quinze ou vingt ans, l’avis des spécialistes aurait été unanime : la seule solution consistait dans la création d’une société civile immobilière qui cumulait pratiquement tous les avantages. Mais depuis quelques années, la fiscalité a énormément changé et, désormais, la réponse n’est pas aussi simple.
Indiquons pour commencer que si vous envisagez d’acheter un local professionnel à plusieurs praticiens, la société civile immobilière s’impose pour des raisons de sécurité juridique. L’indivision présente en effet de nombreux inconvénients, notamment l’absence de règles de fonctionnement et de règlement des litiges, et surtout le fait que nul ne peut être contraint de rester dans l’indivision, ce qui permet à l’indivisaire de demander le partage quand il le souhaite.
Nous nous attacherons donc au médecin qui veut acheter un local tout seul. Trois solutions s’offrent à lui :
- l’acheter dans son patrimoine privé,
- l’acheter dans son patrimoine professionnel,
- l’acheter par l’intermédiaire d’une société civile immobilière.
Les frais d’achat
Les droits d’enregistrement et les frais de notaire sont déductibles si vous achetez dans votre patrimoine professionnel, ils ne le sont pas si c’est une SCI qui achète ou si vous l’achetez dans votre patrimoine privé.
Cela aura peu d’impact si vous achetez du neuf mais ce sera plus gênant pour l’ancien. Ainsi, pour un local de 200 000 euros, ce seront environ 15 000 euros que la SCI ne pourra pas déduire.
Les frais de constitution de la SCI ne sont pas déductibles.
L’amortissement
Si vous achetez votre local dans votre patrimoine professionnel, vous pourrez pratiquer un amortissement correspondant à 2 à 2,5 % du prix d’achat pendant 40 à 50 ans. Il n’y a aucun amortissement si vous achetez en SCI ou si vous laissez votre local dans votre patrimoine privé.
La SCI permet bien de déduire un loyer sur la déclaration 2035 mais il faut ensuite déclarer ce loyer en tant que revenu foncier. Il en est de même si vous achetez le local dans votre patrimoine privé. L’opération est donc neutre.
Avantage là encore à l’achat dans le patrimoine professionnel.
Les intérêts d’emprunt
Ils sont déductibles dans les trois cas, que ce soit du résultat de la SCI, de vos revenus fonciers ou sur la 2035. Léger avantage toutefois à l’achat dans le patrimoine professionnel puisque les intérêts déduits sur la 2035 diminuent non seulement l’impôt sur le revenu mais également les charges sociales.
Les plus-values
Le local acheté dans le patrimoine professionnel suit le régime des « plus-values professionnelles » alors que les SCI ou l’achat dans le patrimoine privé sont soumis au régime des « plus-values des particuliers ».
Dans le régime des plus-values professionnelles, la plus-value est égale à la différence entre le prix de vente et la valeur comptable du bien, cette valeur comptable étant elle-même égale à la différence entre le prix d’achat et les amortissements pratiqués.
La plus-value est dite « à court terme » jusqu’à hauteur des amortissements pratiqués et « à long terme » au-delà.
Pour simplifier, les amortissements pratiqués constituent la plus-value à court terme qui va s’ajouter au bénéfice de l’année de réalisation de la plus-value et sera donc soumise à l’impôt sur le revenu. La différence entre le prix de vente et le prix d’achat représente la plus-value à long terme, taxée actuellement à 16 % plus les prélèvements sociaux de 15,5 %, soit au total 31,5 % !
Toutefois, il existe des exonérations de plus-value, la plus importante étant liée aux recettes réalisées. Si la moyenne de vos recettes des années N – 2 et N – 1 (l’année N étant l’année de réalisation de la plus-value) est inférieure à 90 000 euros, toutes vos plus-values, qu’elles soient à court ou à long terme sont exonérées.
En dehors de ce cas, les plus-values à long terme provenant de la cession du local professionnel bénéficient d’un abattement selon la durée de détention du local qui aboutit à une exonération totale au bout de 15 ans. L’abattement est en effet de 10 % par année de détention au-delà de la cinquième année. Mais, rappelons le, cette exonération ne vaut que pour la plus-value à long terme et non pour la plus-value à court terme qui subit des prélèvements très importants. Comme cette dernière s’ajoute au bénéfice fiscal, elle est soumise non seulement à l’impôt sur le revenu mais également aux charges sociales personnelles !
Dans le régime des « plus-values des particuliers » qui s’applique aux SCI et à l’achat dans le patrimoine privé, on commence par majorer le prix d’achat du bien concerné de 7,5 % pour tenir compte forfaitairement des frais de notaire, puis de 15 % au titre des travaux. On peut également ajouter au prix d’achat le montant réel de ces frais, s’il est supérieur, mais à condition, pour les travaux, qu’ils n’aient pas déjà été déduits fiscalement.
La plus-value est égale à la différence entre le prix de vente et le prix d’achat revalorisé. Elle subit ensuite un abattement en fonction de la durée de détention du bien puis elle est soumise d’une part à l’impôt sur le revenu, au taux forfaitaire de 19 % et, d’autre part, aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS, etc.) au taux global de 15,5 %. Ce qui fait un total de 34,5 %...
Dans le régime actuel, les abattements pour durée de détention sont différents pour le calcul de l’impôt sur le revenu et pour celui des prélèvements sociaux. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué... ?
Pour la détermination du montant de la plus-value immobilière imposable à l’impôt sur le revenu (donc au taux de 19 %), l’abattement pour durée de détention est de :
- 6 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième et jusqu’à la vingt et unième,
- 4 % au terme de la vingt-deuxième année de détention.
L’exonération d’impôt sur le revenu est donc acquise au-delà d’un délai de détention de vingt deux ans.
Pour la détermination du montant imposable aux prélèvements sociaux, l’abattement pour durée de détention est de :
- 1,65 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième et jusqu’à la vingt et unième,
- 9 % pour chaque année au-delà de la vingt-deuxième.
L’exonération des prélèvements sociaux est donc acquise au-delà d’un délai de détention de trente ans.
La réalisation de la plus-value
Pour qu’une plus-value soit imposable, il faut qu’elle soit « réalisée ». Or, là encore, il y a de grandes différences entre les trois options d’achat.
Lorsqu’on achète le local dans son patrimoine professionnel, c'est-à-dire dans le régime des plus-values professionnelles, la plus-value est réalisée dès lors que le bien sort du patrimoine professionnel, même s’il n’est pas vendu. Il peut s’agir par exemple de la reprise dans le patrimoine privé pour y habiter, de la mise en location à un successeur, de la donation à un enfant, etc. Mais la réalisation de la plus-value peut provenir également de la disparition de son patrimoine professionnel, soit volontairement, lorsque l’on prend sa retraite ou que l’on cesse son activité libérale, soit involontairement, en cas de décès, d’invalidité ou de maladie. D’où dans ces derniers cas, l’obligation de vendre le local, même si on ne le souhaitait pas ou si cela se fait dans de mauvaises conditions.
La SCI ou l’achat dans le patrimoine privé ne présentent pas cet inconvénient. En effet, dans le régime des plus-values des particuliers, la plus-value n’est imposable que lorsque vous vendez le local professionnel ou lorsque vous vendez vos parts de la SCI. Tant que la SCI conserve le local et tant que vous gardez vos parts ou votre local, il ne se passe rien. Vous pouvez donc sans aucune conséquence fiscale reprendre le bien pour l’occuper ou pour le mettre en location.
Il y a donc un net avantage cette fois pour la SCI.
En conclusion, on voit qu’il est difficile actuellement de prendre une position tranchée sur le meilleur mode d’achat de son local professionnel. D’autant que nul ne sait quelles seront les règles fiscales dans dix ou quinze ans…
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