CETTE FOIS, la nouvelle convention médicale prend forme. Il aura fallu une réunion discrète au siège de la CNAM, organisée sans les jeunes mais avec tous les syndicats représentatifs, pour que le fond des dossiers soit enfin abordé (notre édition d’hier). À cette occasion, la direction de l’assurance-maladie a posé des jalons sérieux sur plusieurs sujets clés de la négociation, par le biais de « documents de travail » que « le Quotidien » s’est procurés. État des lieux des projets dans les tuyaux.
• Une confiance rénovée par un « new deal »
Rooseveltienne, l’assurance-maladie soumet rien de moins qu’un contrat « new deal », en trois volets, aux médecins traitants. Dans la droite ligne du chantier de la simplification administrative, la caisse propose d’abord aux libéraux des « échanges simplifiés au quotidien ». L’opération passe par : « un contact privilégié avec les médecins conseils » (numéro de téléphone spécifique, contact mail) ; une accélération de la procédure des protocoles de soins électroniques (PSE), avec accord sous 48 heures au plus ; un accès facilité au conseiller informatique service (4 rendez-vous annuels garantis et un délai de réponse aux questions techniques qui ne dépassera pas 72 heures) ; une « optimisation » des visites des délégués de l’assurance-maladie (DAM) – les rendez-vous seraient programmés au début de l’année – et des entretiens confraternels. Second volet de la « nouvelle donne » : l’engagement des praticiens dans la santé publique – le médecin serait « seul responsable de la pertinence de ses choix de prescription dans le cadre d’objectifs de santé publique ». Son recours à des logiciels d’assistance à la prescription serait encouragé, tout comme sa participation à des programmes de DPC.
Dernière partie du contrat : l’accès aux soins, qu’il faut « faciliter » pour le patient en lui offrant « une garantie de service ». Ceci passe, suggère la Caisse, par un effort d’« information » (sur l’organisation du cabinet, par exemple) ou à la mise en œuvre d’« un conseil téléphonique dans des plages horaires dédiées ». L’accent doit également être mis sur « l’organisation » (des rendez-vous, de l’alimentation des DMP…) et sur « la généralisation du tiers payant social » (via l’engagement « d’accorder systématiquement le tiers payant aux bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé »).
• Rémunération sur objectifs, un CAPI révisé ?
La nouvelle convention doit accentuer la diversification des modes de rémunération de la médecine libérale. L’idée est de compléter le paiement à l’acte, qui restera prédominant, par le développement de forfaits mais aussi par un dispositif de paiement à la performance révisant l’actuel CAPI – contrat d’amélioration des pratiques individuelles. La volonté de la caisse serait de réintégrer la rémunération à la performance dans le système conventionnel contrairement au CAPI première formule qui avait été « vendu » directement aux médecins contre l’avis des syndicats et de l’Ordre. Par rapport au CAPI actuel, certains indicateurs de performance seraient modifiés, d’autres ajoutés. La maquette, selon le document de travail, comprendrait toujours un large volet de santé publique/prévention : vaccination contre la grippe, dépistage cancer du sein, iatrogénie (vasodilatateurs, benzodiazépines…) mais aussi dépistage du cancer du col de l’utérus (nouveau) et usage pertinent de l’antibiothérapie (nouveau). Le deuxième volet, relatif au suivi des pathologies chroniques, serait également amendé sur les thèmes du diabète (dosage de l’hémoglobine glycosylée, surveillance ophtalmologique, prévention cardiovasculaire des patients à haut risque par une statine, par l’aspirine) et de l’HTA. Enfin les indicateurs d’efficience/prescriptions seraient maintenus, l’objectif étant de « booster » le taux de prescription dans le répertoire des génériques (antibiotiques, IPP, statines, antihypertenseurs, antidépresseurs) et d’optimiser certaines prescriptions (IEC, antiagrégants plaquettaires). À ce stade, le projet ne convainc pas. « Ce n’est pas notre modèle, il n’y a aucune imagination », tranche le Dr Michel Combier, chef de file des généralistes de la CSMF.
• Médecin traitant : un forfait pour tous mais… minoré
Jusqu’à présent, seul le rôle du médecin traitant dans le suivi des patients en ALD était valorisé à travers le forfait spécifique de 40 euros (pour coordination, suivi, actualisation du protocole de soins). Sans remettre en cause ce principe, la caisse envisage un « reprofilage de cette rémunération » qui permettrait de mieux tenir compte des missions du médecin traitant concernant l’ensemble des patients. MG-France plaide depuis longtemps pour une généralisation du forfait. Reste que l’« hypothèse » financièreretenue par la caisse ne risque pas de soulever l’enthousiasme. Selon ce projet, le forfait ALD de 40 euros serait remplacé par un forfait par patient en ALD de 23 euros et par un autre forfait par patient non-ALD (médecin traitant) de 5 euros. Le coût pour la CNAM serait limité : 14 millions d’euros. Mais 23 000 généralistes seraient perdants dans l’affaire (à raison de 800 euros par an en moyenne), soit 40 % de l’effectif. Pour les « gagnants », le bénéfice moyen serait de 914 euros. Difficile à signer pour les syndicats.
• Alzheimer : aide au repérage et consultation dédiée
La CNAM veut impliquer davantage les médecins généralistes dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer. Plusieurs mesures sont envisagées. La CNAM s’engagerait à fournir aux médecins des outils pour faciliter la détection et le diagnostic (auto questionnaires pour les patients en salle d’attente, supports de tests, carnets de suivis…), des guides avec l’appui de la HAS ou encore de la formation dédiée sur ce sujet. Pour les patients en ALD 15 (Alzheimer), une consultation longue annuelle au domicile en présence des aidants serait mise en place et valorisée (le montant n’est pas précisé). Elle permettrait de faire une « analyse globale de la situation du patient dans son environnement ».
Les médecins délégués de l’assurance-maladie seraient chargés de diffuser, lors des entretiens confraternels, les recommandations HAS portant sur les traitements en particulier neuroleptiques.
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