Indiquons pour commencer que si vous envisagez d’acheter un local professionnel à plusieurs praticiens, la société civile immobilière s’impose pour des raisons de sécurité juridique. L’indivision présente en effet de nombreux inconvénients, notamment l’absence de règles de fonctionnement et de règlement des litiges, et surtout le fait que nul ne peut être contraint de rester dans l’indivision… ce qui permet à l’indivisaire de demander le partage quand il le souhaite.
Nous nous attacherons donc au cas du médecin qui veut acheter un local tout seul. Deux solutions s’offrent principalement à lui : l’acheter dans son patrimoine professionnel ou bien l’acheter par l’intermédiaire d’une société civile immobilière. Voici le comparatif que l’on peut faire.
Les frais d’achat
Les droits d’enregistrement et les frais de notaire sont déductibles si vous achetez votre local dans votre patrimoine professionnel, ils ne le sont pas si c’est une SCI qui l’achète. Cela aura peu d’impact si vous achetez du neuf mais ce sera plus gênant pour l’ancien. Ainsi, pour un local de 200 000 euros, ce seront environ 15 000 euros que la SCI ne pourra pas déduire. Les frais de constitution de la SCI ne sont pas déductibles. Avantage donc pour le patrimoine professionnel.
L’amortissement
Si vous achetez votre local dans votre patrimoine professionnel, vous pourrez pratiquer un amortissement correspondant à 2 à 2,5 % du prix d’achat pendant 40 à 50 ans (soit 4 000 à 5000 € pour un local acheté 200 000 €). Il n’y a aucun amortissement si vous achetez en SCI. La SCI permet bien de déduire un loyer sur la déclaration 2035 mais il faut ensuite déclarer ce loyer en tant que revenu foncier. L’opération est donc neutre. Avantage là encore à l’achat dans le patrimoine professionnel.
Les intérêts d’emprunt
Ils sont déductibles dans les deux cas, que ce soit du résultat de la SCI ou sur la 2035. Léger avantage toutefois à l’achat dans le patrimoine professionnel puisque les intérêts déduits sur la 2035 diminuent non seulement l’impôt sur le revenu mais également les charges sociales.
Les plus-values
Le local acheté dans le patrimoine professionnel suit le régime des « plus-values professionnelles » alors que les SCI sont soumises au régime des « plus-values des particuliers ».
Dans le régime des plus-values professionnelles, la plus-value est égale à la différence entre le prix de vente et la valeur comptable du bien, cette valeur comptable étant elle-même égale à la différence entre le prix d’achat et les amortissements pratiqués. Pour simplifier, les amortissements pratiqués constituent la « plus-value à court terme » qui va s’ajouter au bénéfice de l’année de réalisation de la plus-value et sera donc soumise à l’impôt sur le revenu. La différence entre le prix de vente et le prix d’achat représente la « plus-value à long terme », taxée actuellement à 16 % plus les prélèvements sociaux de 15,5 %, soit au total 31,5 %, mais qui devrait être taxée globalement à 30 % à partir du 1er janvier.
Toutefois, il existe des exonérations de plus-value, la plus importante étant liée aux recettes réalisées. Si la moyenne de vos recettes des années N – 2 et N – 1 (l’année N étant l’année de réalisation de la plus-value) est inférieure à 90 000 euros, toutes vos plus-values, qu’elles soient à court ou à long terme sont exonérées.
En dehors de ce cas, les plus-values à long terme provenant de la cession du local professionnel bénéficient d’un abattement selon la durée de détention du local qui aboutit à une exonération totale au bout de 15 ans. L’abattement est en effet de 10 % par année de détention au-delà de la cinquième année. Mais, rappelons le, cette exonération ne vaut que pour la plus-value à long terme et non pour la plus-value à court terme (correspondant aux amortissements pratiqués) qui subit des prélèvements très importants. Comme elle s’ajoute au bénéfice fiscal, elle est soumise non seulement à l’impôt sur le revenu mais également aux charges sociales personnelles ! On peut estimer que, dans certains cas, ces prélèvements peuvent atteindre 60 à 65 % de la plus-value.
En ce qui concerne le régime des « plus-values des particuliers », le nouveau système d’abattement rend le régime beaucoup moins intéressant qu’il y a une dizaine d’années. On continue toujours par majorer le prix d’achat du bien de 7,5 % pour tenir compte des frais de notaire, puis de 15 % pour ajouter forfaitairement les travaux si l’on a conservé le local plus de cinq ans. On peut également ajouter le montant réel des travaux s’il est supérieur au forfait et si l’on possède les factures.
En enlevant le résultat obtenu du prix de vente du bien, on obtient la plus-value. Cette plus-value est soumise, d’une part, à l’impôt sur le revenu au taux de 12,80 % et, d’autre part, aux prélèvements sociaux au taux de 17,20 % (à partir du 1er janvier 2018). Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué : les abattements sur la plus-value sont différents pour l’impôt sur le revenu et pour les prélèvements sociaux…
Pour l’impôt sur le revenu, l’abattement est de 6 % par année de détention, au-delà de la 5ème année et jusqu’à la 21ème, et de 4% pour la 22ème année. Pour les prélèvements sociaux, l’abattement est de : 1,65 % au-delà de la 5ème année jusqu’à la 21ème, 1,60 % pour la 22ème année, 9 % au-delà de la 22ème année. On arrive donc à une exonération au bout de 22 ans pour l’impôt sur le revenu et de 30 ans pour les prélèvements sociaux. Sur ce point, on peut considérer qu’il y a égalité.
La réalisation de la plus-value
Pour qu’une plus-value soit imposable, il faut qu’elle soit « réalisée ». Or, là encore, il y a de grandes différences entre les deux options d’achat. Lorsqu’on achète le local dans son patrimoine professionnel, c'est-à-dire dans le régime des plus-values professionnelles, la plus-value est réalisée dès lors que le bien sort du patrimoine professionnel, même s’il n’est pas vendu. Il peut s’agir par exemple de la reprise dans le patrimoine privé pour y habiter, de la mise en location à un successeur, de la donation à un enfant, etc. Mais la réalisation de la plus-value peut provenir également de la disparition de son patrimoine professionnel, soit volontairement, lorsque l’on prend sa retraite ou que l’on cesse son activité libérale, soit involontairement, en cas de décès, d’invalidité ou de maladie. On risque alors d’être contraint de céder son local, même si on ne le souhaitait pas ou si cela se fait dans de mauvaises conditions.
La SCI ne présente pas cet inconvénient. Dans son régime, la plus-value n’est imposable que lorsqu'elle vend le local professionnel ou lorsque l’associé vend ses parts de la SCI. Tant que la SCI conserve le local ou tant que l’associé garde ses parts, il ne se passe rien. Il est donc possible, sans aucune conséquence fiscale, de reprendre le bien pour l’occuper ou pour le mettre en location. Il y a donc un net avantage cette fois pour la SCI
En conclusion, on voit qu’il est difficile de prendre une position tranchée sur le meilleur mode d’achat de son local professionnel. D’autant que d’autres éléments, personnels ou conjoncturels, peuvent entrer en ligne de compte. Si, par exemple, le prix de l’immobilier augmente peu – ou pas ! – les prochaines années, le choix de la SCI sera favorisé puisque les plus-values des particuliers ne sont imposées que si elles existent vraiment ! Et si vous estimez que vos recettes seront proches de 90 000 euros quand vous prendrez votre retraite, vous pouvez opter pour l’achat dans le patrimoine professionnel, profiter de toutes les déductions et échapper à la plus-value. A condition, bien sûr, que la limite de 90 000 euros ne soit pas revalorisée d’ici là…
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