AU COMMENCEMENT, on a un texte tout simple, codifié actuellement à l’article 264.4.1 du code général des impôts : « Sont exonérés de la TVA : les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées. »
Il faut bien voir en effet que ce ne sont pas les professions médicales et paramédicales en tant que telles qui sont exonérées de TVA mais certaines des prestations qu’elles effectuent : les soins dispensés aux personnes. Leurs autres prestations entrent dans le champ de la TVA. L’activité de conseil de laboratoires, par exemple, est soumise à la TVA.
Tout se passa sans problème pendant des dizaines d’années (la première instruction administrative à ce sujet date du 15 février 1979…). Mais en 2010, Bercy se réveilla. En s’en prenant tout d’abord aux expertises effectuées pour les compagnies d’assurance. Certes, les médecins experts auprès de ces compagnies ne dispensent pas de soins aux personnes. Mais on leur appliquait jusque-là une tolérance qui exonérait de TVA les expertises pratiquées par un médecin dans le prolongement de son activité de soins à la personne. Est-ce le besoin de remplir les caisses de l’État : les expertises réalisées pour les compagnies d’assurance sont assujetties à la TVA depuis le 1er février 2011.
Justifié par un rescrit de 2003.
Et maintenant c’est le tour des actes de chirurgie et de médecine esthétiques. L’administration vient en effet de publier le 10 avril un « rescrit », un mot savant qui veut dire tout simplement « réponse à la question d’un contribuable », dans lequel elle indique quelle est désormais sa position sur l’exonération de TVA des « actes de médecine esthétique ».
Et elle s’appuie pour le faire sur un arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes. On peut déjà remarquer qu’il s’agit uniquement d’une jurisprudence (l’équivalant d’un arrêt de la Cour de cassation) et non d’un texte légal ou réglementaire. Or l’administration fiscale ne s’aligne pas systématiquement sur la jurisprudence.
Mais le plus surprenant est que l’arrêt invoqué dans le rescrit remonte au… 20 novembre 2003 ! Il a donc fallu plus de huit ans pour que l’administration découvre son existence et s’en serve pour modifier sa position sur l’application de la TVA à certains actes médicaux.
Selon cet arrêt, seules sont susceptibles de bénéficier de l’exonération de TVA les prestations à finalité thérapeutique, c’est-à-dire celles menées dans le but de prévenir, de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé.
L’administration fiscale tire alors les conséquences de la définition donnée par la Cour de Justice. Elle indique dans son rescrit : « En matière de médecine esthétique, les actes pratiqués par les médecins ne sont éligibles à l’exonération que dans la mesure où ils sont considérés comme poursuivant une finalité thérapeutique. Les actes à visée purement esthétique, qui ne peuvent être considérés comme poursuivant un tel but, doivent être soumis à la TVA. »
Elle ajoute : « À cet égard, peut-être considérés comme poursuivant une finalité thérapeutique et donc bénéficier de l’exonération les actes pris en charge totalement ou partiellement par l’assurance-maladie, c’est-à-dire notamment les actes de chirurgie réparatrice et certains actes de chirurgie esthétique justifiés par un risque pour la santé du patient ou liés à la reconnaissance d’un grave préjudice psychologique ou social. »
Un revenu amputé d’autant.
Il ne fait donc guère de doute que, dans l’esprit de l’administration, la grande majorité des actes de chirurgie et de médecine esthétique doivent être soumis à la TVA. Ce qui aurait des conséquences très lourdes pour les praticiens concernés. Ils auraient en effet le choix entre augmenter leurs honoraires de 19,6 % ou, si ce n’était pas possible, accepter de voir leur revenu diminué. À cela s’ajoutent des obligations comptables et fiscales : délivrance de factures faisant ressortir la TVA, déclarations trimestrielles, voire mensuelles, etc.
En contrepartie, les avantages existent mais sont généralement peu importants. Les contribuables assujettis à la TVA ne paient pas la taxe sur les salaires et ils récupèrent la TVA sur leurs dépenses (mais pas toutes) et sur leurs investissements. Il y a donc un avantage financier en cas de travaux ou d’achat de gros matériel.
Les syndicats au créneau.
La profession est donc montée au créneau pour défendre l’exonération, en particulier le SNCPRE, le Syndicat national de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, qui s’est étonné tout d’abord que Bercy ait « négocié » uniquement avec un syndicat de dermatologues et de médecins esthétiques et avec une société à vocation scientifique dont l’objet n’est pourtant pas de s’occuper de fiscalité…
Dans son bulletin de mai 2012, le syndicat fait remarquer que la seule certitude que l’on tire du rescrit est que les actes pris en charge par l’assurance-maladie sont exonérés de TVA. Ce qui ne signifie pas que les actes non pris en charge sont automatiquement soumis à TVA ! Il ajoute que « les actes esthétiques médico-chirurgicaux sont des actes de soin, effectués par des médecins appartenant à une profession réglementée. Le fait qu’ils ne soient pas remboursés par l’assurance-maladie ne préjuge en rien de leurs vertus thérapeutiques. »
Et il conclut : « Nos actes sont thérapeutiques : le mot "esthétique" ne revêt qu’un critère de remboursement ou non par l’assurance-maladie. Ils ne sont donc pas soumis à TVA. »
Voici donc un dossier que le nouveau ministre du Budget va trouver sur son bureau… et dont nous vous tiendrons au courant de l’évolution.
Source : rescrit RES n° 2012/25 (TCA) du 10 avril 2012 (on peut le consulter sur le site impots.gouv.fr)
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