C’EST UN DOCUMENT qui jette le trouble et risque de faire grand bruit. Dans un rapport provisoire au vitriol, dont le « Quotidien » s’est procuré la synthèse détaillée, deux membres de l’IGAS mettent en cause le contrôle et la politique de placements de la CARMF. De quoi s’agit-il ?
Effectué dans le cadre d’une mission générale sur les organismes de retraite complémentaire, ce contrôle porte sur les exercices 2006 à 2011. Les montants en jeu sont considérables puisque, rappelle l’IGAS, la CARMF gère environ 5 milliards d’euros de réserves accumulées au titre des régimes de retraite complémentaire (6 ans de prestations), l’objectif des placements étant d’assurer la solvabilité de ces régimes.
L’IGAS émet plusieurs critiques sévères sur la gestion des placements mobiliers (4,3 milliards d’actifs) et autres investissements immobiliers (environ 790 millions d’euros) par des équipes « anciennes et assez peu renouvelées ». La politique de placements de la CARMF, peut-on lire, « ne définit pas d’objectifs clairs et n’est pas suffisamment adossée aux besoins du passif ». En cause notamment : un règlement financier « vague » qui ne propose « ni vision stratégique » des placements « ni modalités opérationnelles précises » de leur gestion. L’IGAS juge ce flou sur l’allocation stratégique des placements d’autant plus problématique que la caisse devra bientôt « puiser dans ses réserves » pour servir les pensions.
Le rendement et le risque.
Deuxième point noir : la politique de placements est « insuffisamment maîtrisée ». L’IGAS fustige la formation « largement insuffisante » des administrateurs, au regard de la complexité des produits financiers détenus.
Les décisions ne seraient pas assez collégiales s’agissant des placements. La gouvernance de la caisse « n’assure pas un contrôle suffisant de la direction », avance ainsi le rapport. Les sages relèvent qu’une équipe de 6 personnes s’occupe des placements mobiliers en donnant la priorité au rendement du portefeuille. Mais « les notions de passif et de risque sont absents des comptes rendus analysés par la mission », déplore encore l’IGAS. D’une manière générale, les administrateurs n’auraient pas les moyens d’assurer un suivi scrupuleux des placements.
Pire, la gestion comptable laisse à désirer. « La caisse devrait documenter certains choix d’affectation, certes pertinents mais non réglementaires », égratigne l’IGAS. Surtout, la CARMF serait trop préoccupée par le rendement à court terme, « ce qui ne manque pas de surprendre pour un investisseur de long terme comme une caisse de retraite ». Au passage, les inspecteurs affirment que la CARMF n’est pas en mesure de valoriser certains actifs complexes.
Enfin, la CARMF aurait une lecture « étroite » de la réglementation qui (critique récurrente) néglige les risques. Elle laisse trop de marges de manœuvre aux gérants de fonds, la part des actifs obligataires (peu risqués) est trop faible, les conventions de gestion ne sont pas à jour...
Casino ?
Au terme de ce réquisitoire, l’IGAS avance une vingtaine de recommandations de bonne gestion. Mais les syndicats médicaux n’ont pas attendu pour tirer à boulets rouges sur la CARMF et son équipe dirigeante.
La CSMF dénonce « la mise en danger » de la retraite complémentaire par une gestion « aussi hasardeuse qu’opaque ». Elle ironise sur un président, le Dr Gérard Maudrux, qui « confond la gestion de la retraite avec un jeu de casino ».Affilié à la CSMF, le syndicat national des médecins concernés par la retraite (SN-MCR, qui réunit des actifs et des retraités) demande aux autorités de tutelle la mise en place à la CARMF d’une « procédure d’évaluation interne et externe ».
Pas en reste, MG France (qui avait alerté l’an passé sur le déficit technique du régime complémentaire dès 2014 et le risque de cessation à l’horizon 2030) juge que les conclusions de l’IGAS sont « très préoccupantes et très sévères pour l’équipe dirigeante aux affaires depuis presque 15 ans ». « Gérard Maudrux continue de donner des leçons et pendant ce temps laisse couler le régime complémentaire », accuse le syndicat de généralistes.
Mise en cause, la direction de la CARMF explique avoir répondu par point par point aux observations de la mission « pour la plupart totalement injustifiées ». Dans un courrier agacé à l’IGAS, elle se défend d’avoir des administrateurs « à la fois demeurés incapables de comprendre la gestion financière et délinquants financiers en puissance ». Elle cite enfin un autre rapport de l’IGAS « non public » reconnaissant la qualité de sa gestion. La prochaine Lettre CARMF aux affiliés fera le point sur les placements de la CARMF et les bons résultats financiers 2012. Pas certain que cela suffise à éteindre la polémique.
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