Présenté au festival de Cannes il y a quelques mois de cela, le film 120 battements par minute a été largement projeté dans les salles obscures françaises. Il est très intéressant de nous transposer à cette période quelque peu difficile pour les soignants.
Je me rappelle très bien de cette période où, en tant qu’externe de dernière année, j’ai dû accepter l’idée que certaines maladies émergentes pouvaient conduire à des errances dans la prise en charge des patients.
Chaque service d’infectiologie devait prendre en charge un certain nombre de patients VIH, ce qui faisait grincer des dents certains chefs de service car cette pathologie était très mal connue et comprise.
Parachuté auprès de patients VIH
C’est ainsi que j’ai été parachuté dans une aile de patients VIH pour deux raisons. J’étais un homme, et la majorité des patients étant homosexuels « n’auraient pas apprécié » d’être soignés par une femme. Je me destinais à être généraliste, et ne préparant pas le concours de l’internat, j’avais le temps de m’occuper de ces patients qui n’attiraient pas trop les responsables du service.
Outre, le peu d’efficacité des traitements administrés pour les patients atteints de VIH, nous devions accepter le décès de patients très jeunes. En parallèle, nous avons dû prendre en charge des patients souvent incompris ou ignorés par le monde médical.
En effet, les médias, politiques, et certains scientifiques expliquaient de possibles transmissions du virus par la salive, un contact prolongé…
Bref, les patients sidéens (on ne disait pas « sidaïque » car cette expression avait été utilisée par M. Le Pen qui voulait que la société isole ces patients dans des « sidatoriums ») étaient rejetés ou très mal vus. Bien entendu, ce pan de l’histoire du VIH a laissé quelques traces dans notre inconscient, mais aussi dans notre toute puissance de soignants.
Mal être des soignants
Le film « 120 battements par minute » a mis en avant de manière parfaite le mal-être des médecins et des patients infectés à cette période. Il a aussi permis de mettre en lumière la détresse de ces personnes infectées (dont certaines par des gens bien en vue dans la société). Nous avons pu noter la colère de l’association Act up vis-à-vis du pouvoir politique qui n’avait pas pris en compte les conséquences de décisions trop tardives sur la vie de patients (notamment les hémophiles).
Bref, ce film reste un témoignage bouleversant d’une période pas nécessairement à la gloire des médecins.
Nous avons pu voir l’activisme quelque peu immature des membres d’une association qui souhaitaient montrer, au travers de leurs actions, leur détresse. Comprendre que la vie ne tient qu’à un fil lorsqu’on a contracté le virus était une réelle épreuve quotidienne. Le patient infecté n’avait aucune possibilité de projection dans le futur, et devait se contenter de vivre de manière parfois éprouvante et fatigante le présent.
Des jeunes qui voulaient à tout prix vivre
La contestation vis-à-vis du pouvoir, jugé considérable, de l’industrie pharmaceutique en ce qui concerne la recherche des anti-protéases était tout aussi perturbante. On comprend très bien l’acharnement de jeunes qui souhaitaient à tout prix vivre, et qui ne pouvaient avoir accès à un traitement « salvateur ». Cependant, on oublie trop souvent que la précipitation peut amener à de réelles catastrophes, et qu’il n’est pas possible de mettre sur le marché un traitement insuffisamment testé…
Au final, ce film nous met mal à l’aise car il est très réaliste. C’est un témoignage nécessaire pour les soignants car il permet d’avoir un regard critique vis-à-vis de leur comportement. Nous ne devons pas oublier, comme le laisse transparaître le Serment d’Hippocrate, que le médecin doit rester humble. Merci à tous les membres du jury des Césars d’avoir mis sur un piédestal une œuvre qui méritait de l’être.
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