Ange-Mathieu Mezzadri mène de front médecine du travail et écriture. Outre de nombreuses publications médicales, « Lettres à la femme de l’autre » (1) est sa 9e œuvre littéraire. Il y déroule les douloureuses réflexions inspirées à son personnage par une rupture.
L’auteur opte pour une narration distanciée, grâce à l'emploi de la troisième personne. « Lui », le personnage principal, est encombré d’une vie sans éclats, depuis la mort en couches de sa compagne. Loin de son île, la Corse, et des ambitions maternelles, cet antihéros traîne son existence de médecin du travail en banlieue parisienne, avec pour unique fil de lumière Samuel, son fils. Jusqu'à sa rencontre avec « Elle ». Une femme mariée à « l’Autre ».
Amour et dépendance l’éclaboussent : « Je t’aime comme je n’ai jamais aimé quelqu’un de mon peuple. » La rupture qu’Elle lui inflige le pousse à déverser sa hargne de l’amour. « Cette sentimentalité l’avait amené vers Elle, la lui fit aimer et le mutila. » Des scènes sexuelles crues illustrent la douleur dans laquelle Lui s’abîme, à travers une consommation effrénée et sans affect des corps « d’autres ».
Le héros déverse tout le mépris et le dégoût que ses partenaires lui inspirent : « Qu’ils se plaisent ainsi à confondre félicité physique et tendresse exacerbait sa haine. » Ce roman à la couleur noire met en exergue le sujet de la domination et de l’aliénation, entre les personnes et, peut-être, entre peuples et cultures.
Le mépris
Paul Zeitoun, qui a passé à Tunis les vingt premières années de sa vie, n’en est pas à son coup d’essai, puisque « C’était hier à Tunis - Mardochée se souvient… » (2) est son 4e roman sur sept œuvres publiées. À la manière de Claude Sautet dans « les Choses de la vie », son livre fonctionne comme une rétrospective émouvante. À 66 ans, en 1947, Mardochée Barda, commerçant juif de Tunis, lutte contre une méningite. À mesure que la vie le quitte, il se remémore les joies et les peines de son existence.
Le thème du mépris est également présent. Mardochée l’éprouve la première fois enfant, à 9 ans « La révélation de mon niveau social inférieur à celui de Rosa a produit en moi un choc et une révolte. Ce sont donc nos origines différentes, elle Gueurnia* et moi Tounsi*, qui nous séparent et supplantent les qualités personnelles. » Plus tard, apprenti marchand, le jeune homme souffre de ce travers qu’il observe chez son patron : « Le mépris de Monsieur Victor envers les indigents me révoltait plus que son âpreté au gain. J’aurais eu alors à prendre parti pour ses victimes, mes semblables, les Arabes pauvres et les juifs de la Hara**. » Sa perception du mépris deviendra le levier et le moteur de son ascension sociale. Si le mépris éprouvé par le héros de Mezzadri à l’égard des corps qui s’offrent à lui est un exutoire à la perte, celui ressenti par Mardochée est un mépris de classe et lui fait dire « Ma colère contre le mépris ne s’est jamais apaisée. »
(1) Editions Maïa, coll. « U Culumbu », 157 p, 17 €
(2) Editions Anfortas, 182 p., 16 €
* Respectivement Juive d’origine hispano-portugaise dont les ancêtres avaient migré en Italie au XIVe siècle et Tunisien
** Quartier juif inclus dans la ville arabe
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série