Sur scène, « le Cas Eduard Einstein », de Laurent Seksik

Destins tragiques

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Publié le 14/03/2019
Théâtre-Eduard Einstein

Théâtre-Eduard Einstein
Crédit photo : LISA LESOURD

Au commencement, il y a le livre « le Cas Eduard Einstein » (Flammarion). Auparavant, Laurent Seksik avait composé une biographie d’Albert Einstein et avait appris à cette occasion qu’Eduard, deuxième enfant du physicien, né en 1910, déclaré schizophrène, avait été enfermé à partir de 1932 à l’hôpital psychiatrique de Zurich ; il n’avait pas revu son père, qui avait quitté la Suisse pour aller travailler à Berlin à partir de 1914 puis avait dû s’exiler aux États-Unis en 1933.

L’ouvrage consacré à Eduard avait impressionné Michel Bouquet et il avait suggéré à l’auteur d’en faire une pièce. Le grand comédien envisageait de la joue avec sa femme, Juliette Carré, dans le rôle de l’épouse. Mais, à 93 ans, il a préféré renoncer.

Stéphanie Fagadau, directrice du théâtre et metteuse en scène, dirige Michel Jonasz dans le rôle du savant, Josiane Stoleru dans celui de sa femme. On a le sentiment que le spectacle n’a pas été adapté à la distribution et l’on a du mal à adhérer vraiment à ce moment. Les costumes sont ternes, la séparation du plateau en deux espaces est trop rigide et, aussi intelligents soient les comédiens, on ne les sent pas complètement à l’aise.

Jonasz est un peu trop ligoté derrière son bureau, circule très peu et il y a là quelque chose qui entrave l’émotion, le jeu. Il est un peu trop sous contrôle face à Josiane Stoleru, sobre mais peu soutenue.

Dans le rôle du jeune homme soigné à coups d’électrochocs qui finira jardinier, Hugo Becker. Il est très mobile, ultra-émotif, un peu trop démonstratif parfois. Mais vraiment, il s’engage. Il est remarquable. Pierre Bénézit l’infirmier, Amélie Manet, la secrétaire, Jean-Baptiste Marcenac, l’agent du FBI (car Einstein n’est pas le bienvenu aux États-Unis), sont parfaits.

L’histoire est déchirante, mais le style d’écriture n’est peut-être pas assez flamboyant pour des destins aussi tragiques. La photographie qui tient lieu d’affiche est plus éloquente : à l’issue d’un concert, le père, regard perdu, triste infiniment, tenant son violon, son archet sur les genoux, et le fils, avec son beau visage, son faux air à la Marlon Brando, scrute une partition… Bientôt ils seront pour toujours séparés. Eduard mourra en 1965, jardinier de l’hôpital…

Comédie des Champs-Élysées, jusqu'en juin. À 20 h 30 du mardi au samedi et le dimanche à 16 heures. Durée 1 h 50. Tél. 01.53.23.99.19, www.comediedeschampselysees.com

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9732