« Après la bataille » : doutes en Égypte
Où sont passés les espoirs du printemps arabe ? Le cinéaste égyptien Yousry Nasrallah montre, à travers une fiction, la complexité de la situation, en plaçant ses deux personnages dans quelques-uns des événements survenus en 2011. L’homme est un cavalier des Pyramides. Il a participé le 2 février à « la bataille des chameaux », quand des chameliers et des cavaliers de Nazlet El-Samman, communauté établie près des pyramides de Guizeh et qui vivait du tourisme, attaquent les manifestants anti-régime sur la place Tahrir et seront soupçonnés d’avoir été payés par les pro-Moubarak pour créer des heurts. La femme est une militante révolutionnaire qui vit dans les beaux quartiers du Caire. Moderne et laïque, elle a été harcelée sur la place Tahrir le 8 mars, lors de la journée internationale des femmes.
La rencontre de ces deux personnages qui n’ont rien en commun va changer le cours de leur vie, jusqu’au « dimanche noir », le 9 octobre, une manifestation attaqué par les militaires et des personnes armées en civil, qui fera 34 morts et plusieurs dizaines de blessés. Chacun porte sur l’autre un regard d’incompréhension, ce qui n’empêche pas une attirance réciproque.
Nasrallah pose ainsi habilement – dans une mise en scène un peu plate – de nombreuses questions sur la révolution et ses suites et fait un portrait nuancé de la société égyptienne. On aurait souhaité qu’il soit aussi nuancé quand il a été question d’une éventuelle vente du film en Israël. « Je ne veux pas qu’il soit vendu à Israël. Pas tant que les Israéliens occupent encore les territoires palestiniens », a-t-il dit. Et d’ajouter : « Je ne pense pas, qu’au moment où les Égyptiens sont encore en train d’essayer de franchir la première étape vers une libération vis-à-vis de leur propre régime, de l’oppression et d’une gouvernance militaire, Israël soit un allié pour cette libération. »
« Paradis : amour » : la chair est triste
Le cinéaste autrichien Ulrich Seidl, dont le précédent film, « Import/Export », avait frappé par sa noirceur, voulait raconter l’histoire de trois femmes de la même famille en vacances. Après quatre années de travail, il s’est retrouvé avec tant de matériel qu’il a décidé de faire une trilogie appelée « Paradis ». Premier volet, l’amour, avant la foi et l’espoir.
Voici donc une Autrichienne quinquagénaire et très en surpoids en partance pour le Kenya. Là-bas, sur les plages, des jeunes gens (les beachboys) proposent aux touristes des porte-clés, des colifichets, des balades en bateau... afin d’entrer en contact avec des Européennes (les sugar mamas) et se prostituer pour assurer leur subsistance.
Mais Teresa n’est pas prête, comme l’une de ses amies, à ne s’intéresser qu’à l’expérience sexuelle. Il lui faut de l’amour, ou du moins une relation un peu individualisée. On suivra donc ses déboires et ceux de son corps débordant de chairs, dont le film ne nous cache pas grand chose, contrastant avec la beauté des jeunes corps masculins, encore plus dénudés.
Ulrich Seidl ne cherche pas à choquer, il met même de l’humour dans l’évocation de cette recherche vouée à l’échec. Mais la succession des scènes de sexe est déprimante, même quand ces dames sont censées faire la fête. On l’aura compris, ni paradis, ni amour. Seulement une actrice courageuse, Margarethe Tiesel, qui met beaucoup d’elle-même dans ce film peu aimable, malgré l’intérêt de son sujet.
« Reality » : mieux vaut rêver
Après « Gomorra », mérité grand prix du festival en 2008, Matteo Garrone a voulu changer de registre et « essayer de faire une comédie ». Sans quitter Naples, sa ville, sauf quelques incursions à Rome.
Luciano, le héros de « Reality », seul film italien en compétition, est un poissonnier hâbleur qui vit dans un quartier pauvre du cœur de la ville, avec sa tribu riche en créatures felliniennes. Un jour, poussé par ses enfants, il participe à la célèbre émission dont les participants sont enfermés dans une maison (ici « Grande Fratello », ailleurs « Big Brother » ou « Loft Story »). Il se prend alors à rêver, jusqu’à l’obsession, d’une autre vie, dans laquelle on n’a plus besoin de compter ou de se livrer à de minables arnaques au robots ménagers. Pour le réalisateur, Luciano est « un Pinocchio des temps modernes, à l’innocence et à la candeur enfantines », et il l’a filmé « comme s’il vivait un conte de fées », en explorant « une forme de réalisme magique ». Ainsi Luciano est-il moins drôle qu’attendrissant et la comédie napolitaine devient-elle de moins en moins baroque.
Matteo Garrone – serait-il sinon en compétition ? – est un réalisateur inspiré mais s’attarde un peu trop sur certaines scènes. Son film de 1 h 55 gagnerait, d’ici à sa sortie en France le 22 août, à s’alléger de quelques minutes, question de rythme.
Quant à son convaincant interprète principal, Aniello Arena, il n’est pas à Cannes mais en prison, où il est détenu depuis près de vingt ans, autorisé de temps à autre, depuis 2001, à participer à des spectacles ou à des films.
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