Avec « Canine », puis « Alps », Yorgos Lanthimos, 42 ans, avait déjà montré l’originalité de son inspiration. Pour « The Lobster » il imagine un monde où il est interdit de ne pas vivre en couple, sous peine de se voir transformé en animal. Le héros, joué par un Colin Farrell impassible, vient d’être quitté par sa femme ; il se rend dans l’hôtel où il devra, en 45 jours, trouver une compagne, faute de quoi il deviendra, selon son choix, ...un homard. Dans le même temps, les solitaires, qui sont impitoyablement chassés, se rebellent. On ne sait pas ce qui est le plus drôle et cruel à la fois, de la vision du couple réduite à une compatibilité superficielle ayant peu à voir avec l’amour ou de la révolte qui conduit à un nouveau fascisme. Quittant la Grèce pour l’Irlande, Lanthimos a pu bénéficier d’une belle distribution, avec, outre Colin Farrell, Rachel Weisz, Léa Seydoux, Ariane Labed, John C. Reilly, Ben Wishaw.
Irrésistibles passions
Dans « Mon roi » (sortie le 21 octobre), Maïwenn, 39 ans, déjà primée à Cannes grâce à « Polisse », met en scène un couple qui s’aime passionnément et se déchire de même. Cela commence par une chute de ski et « elle » qui se retrouve en rééducation. Les scènes de la renaissance douloureuse, puis chaleureuse, avec l’amitié de jeunes d’un tout autre milieu que le sien, alternent avec les flash-back de dix ans d’amours et de disputes. Elle aspire à une certaine normalité, il est instable, insaisissable et irrésistible, pervers narcissique sans doute. C’est fascinant puis, dans la dernière demi-heure, fatigant dans l’hystérie que la réalisatrice impose à ses acteurs, pourtant au meilleur. Vincent Cassel, que la caméra met en valeur, Emmanuelle Bercot, que cette dernière épargne moins et qui se bat vaillamment, comme son personnage.
Valérie Donzelli, 42 ans, a choisi pour son 4e film, « Marguerite et Julien » (sortie le 30 septembre) un sujet historique, tout en se débarrassant intelligemment des contraintes de la reconstitution, tout en tournant sur les lieux mêmes du drame du début du XVIIe, le château de Ravalet, à Tourlaville. La réalisatrice et son coscénariste et acteur Jérémie Elkaïm jouent à mêler les époques, royauté, tournant du XXe siècle, carriole à chevaux et hélicoptère... Pour évoquer cette passion incestueuse que nul n’a pu arrêter, la mise en scène fourmille d’idées plus ou moins surréalistes, souvent bonnes, quelquefois ridicules. On se laisse emporter par la poésie et le romantisme du récit ou on décroche pour un arc-en-ciel ou des dialogues par trop naïfs.
Stéphane Brizé, à 48 ans, fait ses débuts en compétition avec son 6e long métrage de fiction. « La Loi du marché » (sur les écrans depuis mardi), coproduit par son engagé acteur principal Vincent Lindon, prend le risque d’un sujet social, le chômage et la précarité. Il filme au plus près son personnage principal avec une sobriété qui rend encore plus concrètes les difficultés de ce chômeur confronté à un dilemme moral quand, enfin, il retrouve un emploi très modeste. Lindon est au plus haut de son talent (y compris quand il apprend à danser le rock) face à des acteurs non professionnels. Un plaidoyer pour la solidarité d’autant plus éloquent qu’il n’est en rien démonstratif.
L’Américain Todd Haynes, 54 ans, n’a pas non plus une longue filmographie. « Carol », son 7e film, a fait forte impression sur les festivaliers. Pour adapter le roman de Patricia Highsmith publié en 1952 sous pseudonyme, histoire d’amour entre deux femmes très scandaleuse pour l’époque, il a choisi deux interprètes d’excellence : Cate Blanchett, qui figurait l’un des visages de Dylan dans son « I’m not there », et Rooney Mara, qui fut une étonnante Lisbeth Salander dans la version américaine de « Millenium ». Tout est tiré au cordeau dans « Carol » – sauf la fin, un peu lourde, et peut-être les courtes scènes de sexe – : l’ambiance années 1950, côté « Mad Max » et Edward Hopper, la caractérisation des personnages dans leurs milieux sociaux différents et la direction d’actrices, qui sait faire sentir, sans effet, l’attirance entre les deux femmes. De la belle ouvrage.
Émotion et déception
Parmi les habitués du festival, Nanni Moretti, 61 ans, est l’un des plus suivis et a su une nouvelle fois l’émouvoir. Avec « Mia Madre » (sortie le 23 décembre), il réussit à parler de la mort d’une mère tout en faisant rire. La mère en train de mourir, c’est celle d’une réalisatrice (Margherita Buy), qui peine à diriger un film sur une usine en grève après sa reprise par des Anglo-Saxons. Elle a d’autant plus de mal qu’elle a engagé une pseudo-vedette américaine incontrôlable (hilarant John Turturro). Moretti, discret dans le rôle du frère de l’héroïne, parle ainsi avec sensibilité du deuil mais aussi, sujet inépuisable pour lui, du cinéma, et, au passage de l’éducation classique (la mère était professeur de latin, très appréciée de ses élèves).
Le deuil, c’est aussi le sujet de « la Forêt de songes » (sortie le 9 septembre), d’un autre habitué, Gus van Sant, une déception. Arthur Brennan (Matthew McConaughe) s’envole pour le Japon, la forêt d’Aokigahara, au pied du mont Fuji, connue pour le grand nombre de personnes qui s’y suicident. Sur le point d’en finir, Arthur tombe sur un homme blessé (Ken Watanabe). Commence alors un parcours de survie à la « Délivrance », qui est en fait celui de la réconciliation avec la vie. Si Gus van Sant n’a rien perdu de son sens de la mise en scène, le parcours psychologique du héros (et celui de son épouse incarnée par Naomi Watts) manque quelque peu de subtilité, avec ce plaidoyer un peu béat, très américain, sur ce qui fait le sens de l’existence.
La relève est assurée aussi chez les comédiens, comme en témoigne entre autres « Trois souvenirs de ma jeunesse », d’Arnaud Desplechin, présenté à la Quinzaine des réalisateurs mais qui, selon beaucoup, aurait dû figurer à la compétition. Il évoque la jeunesse de Paul Dedalus, le personnage de « Comment je me suis disputé, ma vie sexuelle », incarné alors et aujourd’hui par Mathieu Amalric. Le début du film, qui met en scène ce dernier, ne manque pas de saveur. Puis l’on plonge dans l’enfance de Paul, plutôt tragique, et ses années d’étudiant, avec au centre du film sa passion mouvementée pour Esther, entre Roubaix et Paris. Des allers et retours entre la passion et le rejet qui finiraient par lasser n’était le duo explosif des deux jeunes comédiens dont, nul doute, on reparlera, Quentin Dolmaire et Lou Roy-Lecollinet. À voir dès à présent dans les salles.
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