SA PASSION pour le cinéma remonte à loin. Il vous dit : « J’ai été l’ami d’enfance de Claude Chabrol. Nos mères étaient amies. Ça a commencé comme ça. » À 15 ans, il fréquente les salles d’art et d’essai parisiennes : les Ursulines, le Cardinet, les Agriculteurs…
Après les salles obscures, la blouse blanche. Les deux univers du Dr Jean Gérald Veyrat vont se croiser en mai 1968. À l’époque, responsable d’un service de psychosomatique à l’hôpital d’Argenteuil, il assure des séminaires dans le cadre d’un DU (diplôme d’université) sur les maladies mentales. « On avait abandonné l’estrade et on discutait avec les étudiants. Ils ont contesté le contenu du cours : les symptômes psychiatriques, c’est un catalogue, ça sert à rien. Le lendemain, je suis revenu avec un nouvel intitulé : la bande dessinée depuis les images d’Épinal jusqu’à "Pravda la survireuse" (NDLR- Guy Peellart-Pascal Thomas, vestige de la période psychédélique). J’ai eu beaucoup de succès. » Puis, c’est l’engrenage de l’image. « J’ai publié mon premier article sur psychiatrie et cinéma lors d’un congrès de psy à Avignon en 1973. » Aujourd’hui, le thème est régulièrement abordé dans les colloques ou les séminaires (notamment le séminaire « Psychanalyse et Cinéma » qui se tient à la Salpêtrière depuis une dizaine d’années).
Les réalisateurs ont vu très tôt dans la psychiatrie un sujet cinématographique. « Freud, sollicité, avait refusé d’écrire le scénario des "Mystères d’une âme" de G.W.Pabst, qui décrit une phobie, sorti en 1926, jugeant qu’il risquait de donner une image trop réductrice de la psychanalyse. » Il n’est pas sûr qu’il aurait apprécié, de ce point de vue, certains films d’Hitchcock (« Marnie » 1964, « Vertigo » 1958), qualifiés par le Dr Veyrat de « psychanalysettes ».
Une image négative du psychiatre masculin
Freud n’avait pas tort de se méfier, car l’image du psychiatre masculin donnée par le cinéma est franchement négative. Lors d’une conférence, au début de l’année, au centre hospitalier Sainte-Anne*, le Dr Veyrat en a dressé un portrait inquiétant : « Au minimum, il somnole pendant les séances (comme Robert Hirsch dans « Mortel Transfert » ou le psy de « Mary à tout prix » qui va chercher son sandwich) ou cherche à séduire patientes et infirmières (Mastroianni dans « Vertiges ») quand il ne les viole pas. » Dans « la Machine », Depardieu prend la personnalité du tueur en série qu’il a pris en charge et on n’est pas près d’oublier Hannibal le cannibale…
Le psychiatre est aussi le manipulateur cupide (« Froid comme l’hiver ») ou aux ordres de la famille qui fait interner des personnes fragiles (« Frances »). En revanche, les femmes psychiatres font preuve de compassion et d’émotivité ; elles contrôlent très mal leur contre-transfert (Catherine Deneuve dans « Fréquence meurtre »). La relation avec leur patient leur révèle un aspect inconnu de leur personnalité.
Autre élément intéressant, le couple psychothérapeute/patient est en général de sexes opposés, comme si les scénaristes craignaient le transfert homosexuel. Enfin, le film le plus connu, « Vol au-dessus d’un nid de coucou » a beaucoup marqué l’esprit du public. Les lobotomies, qui ne sont plus pratiquées, et les électrochocs, qui ne sont plus administrés que sous anesthésie, font encore régulièrement l’objet de débats quand le film est projeté.
Très rares sont les images de bons psychiatres ou de bons psychanalystes : Robert Redford dans « Ordinary people », Bernard Le Coq dans « Se souvenir des belles choses ».
Selon le Dr Veyrat, qui voit quatre films par semaine, en privilégiant ceux renfermant des éléments psychiatriques, le thème est de plus en plus utilisé : en 1973, pour son premier article il avait recensé 65 films, en 1990, une thèse en dénombrait déjà 600… Par le passé, le cinéma américain s’est souvent emparé de ces sujets dramatiques : « la Fosse aux serpents » (1948), « Soudain l’été dernier » (1959), « Shock Corridor » (1963), avec une période de films psychiatriques dérivés des écoles et des expériences qui ont fleuri sur la côte Ouest des États-Unis dans les années 1970. Mais aujourd’hui, c’est l’inflation. Il n’est jusqu’au petit monde des séries américaines, des psy experts aux desperate housewives, qui ne soit devenu psychologisant.
* Dans le cadre du séminaire du jeudi de la clinique des maladies mentales et de l’encéphale (Pr Rouillon-Dr Anne-Marie Dubois).
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