S'il est déjà sorti en salles en Espagne, où il connaît un joli succès, « Douleur et Gloire », le 21e film de Pedro Almodovar, ne pouvait échapper au festival de Cannes, pour tout ce qu'il dit, et dit bien, sur l'amour du cinéma et la création artistique.
Double du cinéaste espagnol, Antonio Banderas incarne un metteur en scène fatigué, victime de terribles maux physiques et psychiques, qui va renaître en revisitant son passé. Par les souvenirs de son enfance et de ses premiers désirs et par des retrouvailles avec des hommes qui ont compté dans sa vie.
Point de baroque ou de flamboyance, cette fois, ce qui n'empêche pas de jouer avec les couleurs (le rouge surtout) et les sons (la musique d'Alberto Iglesias, les chansons d'autrefois). Mais des séquences plutôt sobres et néanmoins très évocatrices, de l'enfance lumineuse (avec une mère incarnée par Penélope Cruz, qui fait penser à Sofia Loren, « la mère de toutes les mères », dit Almodovar) à l'âge mûr douloureux. L'humour n'est pas absent, ni l'espoir, et l'on revit de voir celui qui ne se remet pas de la mort de sa mère retrouver le désir.
Échanges de regard
Le désir et la création sont aussi au cœur du beau et troublant « Portrait de la jeune fille en feu » de Céline Sciamma (sortie le 18 septembre). Un regard acéré sur l'enfermement féminin et des contraintes que l'on peut encore reconnaître, même si l'action se passe au XVIIIe siècle.
Dans un château isolé sur une île bretonne, une jeune artiste est chargée de faire le portrait de la fille de la maison, qui vient de sortir du couvent, pour l'homme auquel elle est promise en mariage, contre son gré. La peintre et son modèle, qui ne veut pas poser, vont former un duo instable et, comme le titre l'indique, incendiaire. Encadré par deux autres femmes, la mère et la servante, et mu aussi par la musique.
Le personnage de la jeune fille a été écrit pour Adèle Haenel, juste mais peut-être pas assez innocente aux yeux de ceux qui l'ont suivie dans ses déjà nombreuses incarnations. Mais le premier rôle est celui de l'artiste, du regard, et il est excellemment tenu par Noémie Merlant (« le Ciel attendra », « Curiosa », entre autres).
Plantes dangereuses
Autre femme en compétition (elles sont quatre, cela reste un événement), la cinéaste autrichienne Jessica Hausner. Elle se penche sur un avenir génétiquement modifié qui fait plutôt froid dans le dos. « Little Joe », son 5e film (« Hotel », « Lourdes »), le premier en langue anglaise, laisse cependant la porte ouverte à plusieurs interprétations, entre pouvoir des plantes et prédominance de l'inconscient.
Des phytogénéticiens mettent au point une plante qui pourrait avoir un effet antidépresseur. Elle s'appelle Little Joe, en référence au prénom du fils de sa principale créatrice (Emily Beecham), et semble en fait susciter d'étranges transformations chez ceux qui inhalent son pollen, les rendant notamment incapables d'empathie. Mais n'est-ce pas une illusion de l'héroïne, écartelée entre son amour pour son fils et sa passion pour son travail ?
Jouant avec virtuosité des couleurs (fleurs rouges, chevelure rousse, décors verts et blancs), des sons (musique du Japonais Teiji Ito), du hors-champ, Jessica Hausner installe une atmosphère angoissante mais nous laisse un peu frustrés avec nos interrogations.
Combats d'hier et d'aujourd'hui
L'Autriche est le cadre du lyrique et néanmoins aride dernier film de Terrence Malick, palme d'or en 2011 pour « The Tree of Life » et dont les dernières réalisations ont laissé perplexe. « Hidden Life » évoque en près de trois heures le paysan autrichien Franz Jägerstätter, qui refusa de prêter allégeance à Hitler et fut exécuté en 1943 (et béatifié en 2007). La résistance passive, un combat pour aujourd'hui, suggèrent certains.
Le réalisateur des « Moissons du ciel » s'attarde longuement sur le travail de la terre, de belles images dans les montagnes autrichiennes. Il joue aussi, de façon contestable, sur les langues : quand les Nazis parlent, hurlent plutôt, en allemand (non sous-titré), les purs héros (l'Allemand August Diehl et l'Autrichienne Valérie Pachner, irréprochables) s'expriment en anglais. À voir, quoi qu'il en soit.
Une nouvelle fois à Cannes, où ils ont reçu deux fois la Palme d'or, Jean-Pierre et Luc Dardenne abordent le problème brûlant de la radicalisation à leur manière simple et directe, au plus près des faits et gestes de leur personnage principal, sans psychologisation inutile. « Le Jeune Ahmed », 13 ans, endoctriné par son imam, croit devoir accomplir un geste meurtrier. Autour de lui, chacun tente, à sa manière, de le détourner du fanatisme. Le jeune acteur, Idir Ben Addi, a l'obstination adolescente qui convient. Les réalisateurs veulent aussi sauver Ahmed. On n'est pas sûr qu'ils y réussissent tout à fait. Le film est en salle depuis hier.
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