C'est à la découverte d'une forte personnalité et d'une odyssée transatlantique que nous invite Franz-Olivier Giesbert dans « l'Arracheuse de dents » (1). Il déterre les Mémoires qu'une certaine Lucile Bradsock a écrits à l'âge de 99 ans : originaire de Normandie, elle a vécu la Révolution française, les guerres de Vendée, la fin de l'épopée napoléonienne, elle a pris fait et cause pour les esclaves du Sud ou les Indiens de l'Ouest et s'est retrouvée mêlée au commerce des esclaves. Elle a rencontré Louis XVI, Washington, La Fayette ou Napoléon et bien d'autres dont elle a fait son affaire. Car Lucile Bradsock a toujours été une redresseuse de torts, aiguillée par un désir de vengeance, en même temps qu'une infatigable séductrice et une amoureuse de la vie. Elle a été aussi l'une des premières femmes dentistes de l'histoire. Son parcours extraordinaire, qui croise les événements de l'époque et permet à l'auteur des prises de position sur les acteurs français ou américains d'alors, est conté avec une telle truculence que l'on croît à son existence !
Prix Goncourt en 1998 pour « Confidence pour confidence », Paule Constant a choisi la forme du conte pour évoquer dans « Des chauves-souris, des singes et des hommes » (2), avec poésie et une paradoxale légèreté, les débuts d'une terrible épidémie. Dans un village africain près de la rivière Ebola, une fillette joue avec une chauve-souris tandis que des jeunes garçons rapportent fièrement le cadavre d'un singe qu'ils ont chassé. Bientôt la mort frappe les hommes, sans distinction. Une réflexion sur les effets de la mondialisation, non seulement d'un pays à un autre, mais d'une espèce à une autre, animale et humaine.
Jean-Philippe Postel, qui a exercé la médecine générale de 1979 à 2014, définit « l'Affaire Arnolfini » (3) comme « l'application à une œuvre picturale des méthodes de l'observation clinique attentive ». Son ouvrage est une enquête sur le tableau de Jan Van Eyck « Les Époux Arnolfini » (vers 1434). On y voit, peut-être pour la première fois, un homme et une femme dans une chambre. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Vous le saurez en dévorant ce page-turner !
Installé comme médecin généraliste depuis 1980 et addictologue, Jean-Marc Geidel parle dans « C'est vous qui voyez, Docteur… » (4) de la médecine aujourd'hui à travers l'aventure commune de deux amis qui ont ouvert une maison médicale dans une ville de banlieue parisienne. Ils ne sont pas d'accord sur tout mais ils partagent le rêve de donner une vraie place au malade. Après des tribulations innombrables, des controverses médicales, des dialogues avec les patients, des anecdotes tristes ou tragiques, commence leur quête burlesque, après trente-cinq années de pratique, d'improbables successeurs.
Questions de survivants
Dédié par l'écrivain belge Patrick Declerck « À Sally, ma chienne », « Crâne » (5) est une « fausse fiction ». Alexandre Nacht, double de l'auteur, raconte l'intervention chirurgicale qu'il a subie, éveillé et crâne ouvert, pendant plusieurs heures, afin de retirer l'essentiel d'une tumeur ; une opération qui lui a donné un sursis de quelques années. Écrit à la troisième personne, ce livre fort et sans fioritures est celui d'un survivant, un homme qui n'est plus tout à fait un vivant parce qu'il ne parvient plus à oublier un seul instant qu'il va mourir.
Parce que l'une de ses sœurs est atteinte de la même tumeur au cerveau qui a emporté leur mère, Pascale Leroy, auteure et éditrice, témoigne dans « Cancer et boule de gomme » (6) de sa longue relation forcée avec le cancer. Surtout, après avoir cherché en vain des réponses, elle s'est convaincue qu'il n'y a jamais aucune raison raisonnable d'être malade et qu'aucune explication ne donnera jamais du sens à l'insensé. Un récit très personnel qui rappelle une dimension de l'existence qu'on tente de nier parce qu'elle nous fait peur : celle du mystère.
Juliette Ropion était-elle schizophrène ? Son internement, de 1954 à 1960, était-il justifié ? Pour briser un secret de famille bien gardé, Catherine Neykov – qui travaille autour de la question du handicap et des troubles psychiques au sein de diverses associations – est partie sur les traces de sa tante. Née à Saïgon en 1914, amie de jeunesse de Marguerite Duras, elle devint après la guerre conseillère d'orientation et milita pour l'accès des filles aux études secondaires. Elle a été hospitalisée d'office à la demande de sa hiérarchie après un long épisode de harcèlement moral. « La Disparue » (7) est une enquête familiale qui témoigne de la pratique asilaire de l'époque.
Suspenses en tous genres
Côté suspenses, le trafic d'organes est un sujet privilégié. Dans « les Vivants et les morts » (8), l'Allemande Nele Neuhaus entraîne son duo d'enquêteurs habituel dans les coulisses du don d'organes après que plusieurs personnes ont été abattues par un sniper qui s'est autoproclamé « le Juge ». Dans « Fabrika » (9), de Cyril Gely, c'est un photographe de guerre qui, depuis Kiev, où plusieurs cadavres ont mystérieusement disparu, suit la piste d'un réseau clandestin de trafiquants d'organes de la Roumanie à la Turquie et à la Chine.
Pour son premier roman « les Petites filles » (10), Julie Ewa (24 ans) a vu grand, et traite des conséquences de la politique de l'enfant unique en Chine. Inspiré d'un fait divers, le récit alterne entre 2013 (une étudiante française est amenée à enquêter sur des disparitions d'enfants dans une zone rurale) et 1991 (une paysanne qui avait découvert le fin mot de l'histoire, a elle-même disparu).
Megan Abbott, lauréate du prestigieux prix Edgar Allan Poe, donne, avec « Fièvre » (11), un suspense psychologique très solide autour de l'hystérie collective et des jeux de pouvoirs des adolescents américains. Dans un lycée, une jeune fille puis une autre et une autre sont saisies d'étranges symptômes qui laissent les autorités médicales perplexes. Est-ce un virus, un empoisonnement, les conséquences d'une vaccination, la faute des garçons ?
Signalons aussi « Inhumaine » (12), la nouvelle enquête de Patricia Cornwell, dans laquelle le Dr Kay Scarpetta, experte en médecine légale, doit affronter sa plus vieille ennemie, une sociopathe, qui, vingt ans plus tôt, a séduit sa nièce Lucy pendant ses études à l'académie du FBI. Et le deuxième volet de la trilogie « les Brillants », de l'Américain Marcus Sakey, « Un monde meilleur » (13) : alors que, depuis 1980, 1 % de la population naît avec des dons hors du commun, un réseau terroriste conduit le pays vers la guerre civile. Un thriller de haute intensité où l'auteur déploie une vision concrète des réactions politiques face à la question du terrorisme, ainsi qu'une satire grinçante du contrôle de l'opinion publique.
(1) Gallimard, 435 p., 21 €.
(2) Gallimard, 166 p., 17,50 €.
(3) Actes Sud, 153 p., 18 €.
(4) Publibook, 254 p., 17,95 €.
(5) Gallimard, 148 p., 16 €.
(6) Robert Laffont, 175 p., 14 €.
(7) Michalon, 221 p., 17 €.
(8) Actes Sud, 490 p., 23,50 €.
(9) Albin Michel, 410 p., 19,50 €.
(10) Albin Michel, 409 p., 21,50 €.
(11) JC Lattès, 412 p., 20,90 €.
(12) Éditions des Deux Terres, 495 p., 21,50 €.
(13) Gallimard, 430 p., 20 €.
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